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L’Inventaire du Patrimoine Kanak Dispersé se retrouve au musée Anne de Beaujeu à Moulins

L’IPKD qu’est-ce que c’est ?

      Dans les années 1980 naît l’idée de créer un Inventaire du Patrimoine Kanak Dispersé. Ce projet verra vraiment le jour en 2011 grâce à un accord entre La Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. « Son objectif principal est de réaliser un inventaire raisonné des œuvres du patrimoine kanak détenues dans les musées métropolitains et étrangers. »1 Pour être mené à bien, quatre acteurs majeurs partent à la recherche des trésors des collections kanak : Etienne Bertrand (historien de l’art), Renée Binosi (secrétaire à la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris), Roger Boulay (ethnologue et spécialiste de la culture océanienne) et Emmanuel Kasarhérou (Conservateur en chef du Patrimoine, chargé de mission à l’Outre-mer au musée du quai Branly).
Après deux ans de travail sur le projet de l’IPKD, l’exposition Kanak : L’Art est une Parole s’ouvre au musée du Quai Branly le 15 octobre 2013. Quatre ans après cette exposition du duo Boulay-Kasarhérou, c’est à Moulins, au musée Anne de Beaujeu, que l’exposition Trajectoires Kanak vient continuer de présenter au public les trésors qui se cachent dans les collections des musées français.

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Deux chambranles de case et une flèche faîtière. © Clémentine Débrosse

Pourquoi Moulins ?

        La ville de Moulins, pour ceux d’entre vous qui ne la connaîtraient pas, se situe dans le département de l’Allier dans le centre de la France. Après géolocalisation de l’endroit, vous vous demandez certainement : pourquoi choisir un musée tel que celui de Moulins pour présenter une collection d’objets kanak ?
La ville de Moulins a quelques trésors cachés du patrimoine kanak et notamment un ensemble de lettres, conservées par la Société d’émulation du Bourbonnais, écrites ou reçues par monsieur Léon Moncelon, homme érudit du XIXème siècle originaire d’Ygrande. Recueilli par Moncelon lors de son arrivée en France, le métis kanak Pierre Poyti a lui aussi laissé sa trace dans la ville de Moulins où il travaillait comme menuisier en 1901.2
Mais le musée Anne de Beaujeu recelait lui aussi des trésors : un ensemble de trois sagaies découvertes en 2016 par un régisseur au fond d’une réserve.3 C’est alors Emmanuel Kasarherou qui se rend sur place et confirme la découverte de sagaies de deuil kanak. Cet ensemble permet dorénavant de compter six sagaies de deuil à travers le monde au lieu de trois.
C’est donc à la croisée des chemins que des objets venant de douze musées français présentent des œuvres kanak qui font désormais partie du projet de l’IPKD.

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Trois sagaies de deuil découvertes dans la réserve du musée Anne de Beaujeu.
© Clémentine Débrosse

Une vision totale du patrimoine kanak

     À notre arrivée au musée Anne de Beaujeu, c’est tout d’abord un grand panneau explicatif des voyages en Nouvelle-Calédonie qui nous accueille au pied d’un grand escalier en pierre et qui définit le paysage que nous allons traverser grâce à cette exposition. C’est guidés par une frise qui retranscrit l’itinéraire d’un voyage en navire que nous arrivons alors au premier étage du musée, où l’exposition débute vraiment. Devant nous, au centre de la pièce, se dresse une architecture représentative de la case kanak qui dévoile à nous, voyageurs, les éléments clés pour comprendre cette histoire : des données historiques et géographiques. Une fois sortis de cette case, ce sont deux maquettes de pirogues qui nous attendent pour embarquer dans ce voyage à l’exploration de trajectoires kanak.

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Maquette de pirogue, bois et fibres végétales, musée océanien de La Neylière.
© Clémentine Débrosse

     Très vite, nous comprenons que l’exposition et ses différentes thématiques, au nombre de quatre, sont rythmées par des couleurs fortes : L’Environnement, Les Armes, Rites & Croyances et Hommes et Femmes Kanak.
Dès l’entrée, dans la première zone de l’exposition sur L’Environnement, les objets aux tons naturels ocre et bruns ressortent sur un vert fougère qui recouvre l’intérieur des vitrines. Grâce au cartel explicatif thématique, nous comprenons que si ces objets sont réunis, c’est pour présenter leur dénominateur commun : la nature. Chacun de ces objets est composé d’éléments entièrement naturels tels que l’écorce de banian pour le tapa, la calebasse et la fibre de coco pour les gourdes clissées ou encore les feuilles de pandanus tressées pour les paniers. Les cartels très clairs et didactiques révèlent le rôle majeur de la nature dans la culture kanak et la création de ces objets du quotidien qui existaient déjà bien avant l’arrivée des Européens et, donc, des outils métalliques.

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L’Environnement dans l’exposition Trajectoires Kanak. © Clémentine Débrosse

    Après le vert des forêts, c’est sous l’œil du chef Poindi-Patchili que nous sommes accueillis pour comprendre Les Armes kanak. Le panneau thématique de la salle nous explique que les armes kanak sont réparties en trois catégories principales : les sagaies, les massues et casse-têtes, et les frondes. Ces armes sont présentées par type dans de grandes vitrines soulignées d’un jaune ocre sur tous les murs de la salle. Mais le centre de la pièce n’est pas pour autant délaissé. Un ensemble de sagaies est présenté de manière très visuelle et graphique qui donne presque à voir les hommes à la guerre, positionnés en groupe les uns à côtés des autres, prêts à attaquer les clans adverses armés de leurs sagaies. Entouré de toutes les armes de la salle, le chef Poindi-Patchili semble prêt à nous attaquer, nous, visiteurs, comme il attaqua les colons français pour se révolter contre les Européens venus en Nouvelle-Calédonie au milieu du XIXème siècle.

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Les Armes dans l’exposition Trajectoires Kanak. © Clémentine Débrosse

      Après avoir découvert les champs de guerre, les visiteurs sont invités à pénétrer dans l’espace des rites et croyances : la case kanak. Dans cette salle, les lumières sont plus tamisées et les couleurs plus sombres, et seuls les objets sur les côtés de la salle sont vraiment sous les spots. La salle est séparée en deux par un kakémono : dans la première partie, on retrouve des éléments de la case mais également des sculptures alors que la seconde partie met en avant le deuil, cérémonie la plus importante de la culture kanak. Dans cette pièce, nous passons donc d’un environnement public à un événement privé qui est plus encore dans l’obscurité. On y découvre deux grands masques de deuilleurs, comme deux esprits tapis dans l’ombre surveillant les visiteurs. Tout autour de ces masques se trouvent des éléments tels que des monnaies ou encore des sagaies de deuil qui sont indispensables à ces cérémonies.

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Rites & Croyances dans l’exposition Trajectoires Kanak. © Clémentine Débrosse

      Comme cette culture et ces objets n’existeraient évidemment pas sans les hommes et femmes kanak, ce sont ces derniers et leurs attributs respectifs qui sont mis à l’honneur dans la dernière partie de l’exposition. Dès l’entrée de la dernière salle, on nous rappelle que ce terme de « kanak » que nous connaissons aujourd’hui est tiré du mot hawaïen « kanaka » qui veut dire « homme ». Il était utilisé au XIXème siècle par les colonies françaises pour désigner les habitants de la Nouvelle-Calédonie et a été ensuite conservé au XXème siècle et revendiqué par les populations locales.4
C’est dans cet espace que les visiteurs peuvent avoir un contact direct avec des acteurs du monde kanak grâce à la lecture des lettres de Léon Moncelon et de Pierre Poyti. C’est avec ces lettres que nous terminons notre voyage en Nouvelle-Calédonie, de la même manière que le jeune Pierre Poyti laissa derrière lui sa culture kanak pour découvrir les contrées françaises.

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Hommes et Femmes kanak dans l’exposition Trajectoires Kanak. © Clémentine Débrosse

    Si l’exposition nous a transporté dans les terres de Nouvelle-Calédonie, la scénographie permet aux explorateurs de tous les âges de comprendre la culture kanak lors d’un passage au musée Anne de Beaujeu. De nombreuses pastilles rouges explicatives sont présentes tout au long de l’exposition près des objets phares ou anecdotiques afin de capter l’attention des plus jeunes. De nombreux espaces éducatifs comme un puzzle, un jeu vidéo ou encore une table de découverte de la flore et de la faune kanak offrent une approche originale de cette culture du Pacifique.
Si par quelque hasard de trajectoire vous vous retrouvez près de Moulins, n’hésitez pas à faire un détour par le musée Anne de Beaujeu qui vous réserve un voyage en Nouvelle-Calédonie extraordinaire jusqu’au 16 septembre 2018.

Clémentine Débrosse

Image à la une : Affiche de l’exposition Trajectoires Kanak.

1 http://ipknkd.blogspot.fr

2 https://www.lamontagne.fr/moulins/loisirs/art-litterature/2017/11/09/quand-l-art-kanak-voyage-jusqu-a-moulins_12623508.html

3 https://www.lamontagne.fr/moulins/loisirs/art-litterature/2017/11/09/quand-l-art-kanak-voyage-jusqu-a-moulins_12623508.html

4 Cartel Hommes et Femmes Kanak de l’exposition Trajectoires Kanak.

Bibliographie :

  • http://ipknkd.blogspot.fr
  • https://www.lamontagne.fr/moulins/loisirs/art-litterature/2017/11/09/quand-l-art-kanak-voyage-jusqu-a-moulins_12623508.html
  • http://musees.allier.fr/463-trajectoires-kanak.htm

 

 

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