L'art océanien aux enchères : début de saison - Printemps 2018

Poisson – reliquaire, Airi, Santa Ana, Îles Salomon – Christie’s. DR 

Bien que loin des records de l’automne dernier, les ventes Binoche et Giquello et Christie’s de mars et d’avril ont confirmé le succès croissant de l’art océanien en vente aux enchères. Malgré quelques exceptions, notamment une très belle figure de proue nguzunguzu de l’ancienne collection Ray Laura Wielgus (estim. € 200 000 – 300 000) et un iconique ‘dieu-bâton’ atuaraka de Rarotonga (estim. € 350 000 – 450 000), la grande majorité des lots a trouvé preneur, tout  particulièrement lors de la vente Christie’s du 10 avril où seulement huit lots sur les trente-neuf proposés, soit 20 %, sont restés invendus.

Appuie-tête kali tabua, Iles Tonga, Polynésie – Binoche et Giquello. DR

Les pièces à retenir

Crochet iatmul, Moyen Sépik, Papouasie-Nouvelle-Guinée – Binoche et Giquello. DR

Chez Binoche et Giquello le 21 mars dernier la sélection d’art océanien était restreinte avec seulement treize lots mais elle présentait des pièces emblématiques de la spécialité dont un très beau crochet iatmul du moyen Sepik collecté en 1909 par le Consul Max Thiel et longtemps conservé dans les collections du Museum für Völkerkunde und Vorgeschichte d’Hambourg sous le numéro d’inventaire 11.88.88. Cette pièce, exceptionnelle par sa facture, son ancienneté et sa provenance dépassa son estimation haute de 450 000 € pour atteindre 461 300 € frais compris atteignant ainsi un nouveau record pour une œuvre iatmul en vente aux enchères. À ses côtés un élégant appuie-tête kali tabua des Îles Tonga qui avait autrefois séduit l’œil raffiné du gouverneur Nelson A. Rockefeller a plus que doublé son estimation basse de 20 000 € se vendant 47 656 €. Par l’épure de ses formes, l’élégance de sa construction géométrique et la beauté de sa surface vierge de tout décor, cet appui-nuque, d’une modernité  saisissante, a démontré une fois de plus le succès indéniable des objets de forme, si caractéristiques de l’art polynésien.

Masque à crochet Garra, Monts Hunstein, Papouasie-Nouvelle-Guinée – Christie’s. DR

Le 10 avril chez Christie’s la sélection était plus large, en partie grâce à la collection  du marchand néerlandais Hans Sonnenberg comprenant six œuvres de Nouvelle-Irlande et un ensemble de cinq masques de Papouasie-Nouvelle-Guinée. S’y ajoutaient vingt-trois autres œuvres dont un ensemble de trois objets en provenance de la collection de la Korrigane collectés entre mars 1934 et juin 1936 lors de la célèbre expédition. Pas de véritable surprise ni de batailles d’enchères comme lors des ventes de Novembre mais des résultats solides et cohérents avec la tendance du marché. Notons tout de même deux beaux prix : celui effectué par un rare masque à crochet garra des Monts Hunstein, estimé 12 000 à 18 000 €, qui atteint 50 000 €, et celui du beau casse-tête cali des Îles Fidji, remarquable par sa taille, vendu 60 000 € soit le double de son estimation basse. Le record de cette vente en art océanien est obtenu par une figure de poisson-reliquaire airi des Îles Salomon vendue 100 000 €.

Les ventes à venir

Après ces deux premières ventes, quatre sessions sont encore attendues, trois à New York en mai et une à Paris en juin. Les dates à retenir sont les suivantes, 14 mai chez Sotheby’s New York pour la double vente de la collection Howard et Saretta Barnet The Shape of Beauty qui précèdera la classique Divers Amateurs ; suivra le 17 mai la vente d’Arts d’Afrique et d’Océanie de Christie’s New York, enfin, pour conclure la saison, Sotheby’s tiendra sa traditionnelle vente saisonnière le 13 juin à Paris. Si aucune information n’a encore été communiquée sur la vente Christie’s, Sotheby’s a exposé en mars dernier dans ses galeries parisiennes une sélection des trois ventes à venir. Y étaient déjà présentés de véritables chefs-d’œuvre de l’art océanien offrant un panorama étendu de la diversité de l’art de cette région. Retenons déjà quelques pièces, premièrement à New-York, lors de la vente de la collection Barnet, une rare poignée d’éventail anthropomorphe de Tahiti (estim. $ 100 000 – 150 000) mais surtout à Paris un ensemble saisissant des pièces majeures allant de l’iconique tête Tabar publiée en couverture du catalogue de Jacques Kerchache en 1971 (estim. € 300 000 – 500 000) à l’impressionnante statue ancestrale bero kandimboag de l’ancienne collection Allan Stone (estim. € 200 000 – 300 000) en passant par une historique frise malagan à double personnages anciennement dans les collections de l’Übersee Musem de Brême (estim. € 80 000 - 120 000) et un élégant et  rare appui-nuque tuaruades Îles de la Société redécouvert récemment (estim. € 80 000 – 120 000). Rendez-vous est donc pris en mai et en juin pour suivre ces œuvres ainsi que les autres pièces qui seront offertes à la vente et faire ainsi le point sur la saison et l’évolution du marché.

Statue, Sépik, Papouasie-Nouvelle-Guinée – Sotheby’s. DR

Pierre Mollfulleda

Pierre Mollfulleda

Grâce à une enfance heureuse sous les cocotiers de Tahiti, Pierre a développé très tôt une passion pour l’art polynésien. Ses navigations entre les Marquises, les Australes, la Nouvelle-Zélande ou encore l’île de Pâques n’ont fait que confirmer cet élan naturel qui l’entraîne aujourd’hui. Les voyages sous les tropiques cependant terminés, Pierre est dorénavant Spécialiste chez Sotheby’s sous le ciel gris parisien et sera l’œil du marché de l’art pour CASOAR.

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