Aboriginalities, une exposition des Musées Royaux des Beaux-Arts à Bruxelles
Les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles, présenteront jusqu’au 1er août 2021 Aboriginalities (« Aboriginalités »), une exposition essentiellement consacrée à des œuvres peintes réalisées au XXème siècle par des artistes aborigènes d’Australie.
Les quelques 150 œuvres aborigènes exposées furent réunies sur une vingtaine d’années par la collectionneuse Marie Philippson. Cet ensemble cohérent et soigneusement sélectionné est le reflet de son (très bon) goût, et propose une expérience sensorielle riche ainsi qu’une fenêtre d’évasion fort bienvenue, à travers laquelle toute personne souhaitant découvrir - ou redécouvrir - la peinture moderne aborigène sur grand format se doit de sauter à pieds joints.
Aboriginalities se donne pour mission de créer des espaces de rencontre, « des bulles d’intersection », entre les artistes d’origine aborigène et des artistes européens du XXème siècle. En tout, une dizaine d’œuvres issues des collections permanentes des Musées Royaux des Beaux-Arts entrent en dialogue avec de grands noms de la peinture moderne aborigène, par exemple Rusty Peters (1935-2020), tenant tête ci-dessous à René Magritte (1898-1967).
Le « Temps du Rêve », Dreaming, Dreamtime, – on ne le présente plus – s’exprime avec force contre le fond noir, gris ou blanc des salles construites en rayonnement, et sert d’écrin chromatique à quelques objets aborigènes anciens - imposants poteaux funéraires, boucliers, propulseurs, boomerangs en bois et pendentif en nacre.
Les éclats de beauté ne manquent pas lorsqu’on déambule à travers l’ample espace d’exposition, qui laisse la part belle à la puissance expressive des œuvres. Parmi ces pépites, on a le plaisir toujours renouvelé de croiser la franche vivacité des couleurs de Judy Watson Napangardi (ca. 1925-2016), le geste délié de Sally Gabori (1924-2015), la précision épatante de Kathleen Petyarre (ca. 1940-2018) ou encore les sublimes compositions étourdissantes pour l’œil de Abie Loy Kemarre (1972 - ).
Le minimalisme des informations dans les salles et sur les cartels est en partie compensé par un livret bien conçu, consultable en ligne, qui présente quelques créations choisies en les indiquant au visiteur par des motifs partiellement représentés. Le système, qui peut parfois porter à confusion (la flèche ou le cercle concentrique ne sont pas l’apanage d’une seule œuvre), ne manque cependant pas d’intelligence car il invite également à initier son regard à la recherche de l’indice en question dans les nombreuses toiles qui jalonnent le parcours.
Au centre de l’exposition, une œuvre monumentale de Debbie Brown Napaljarri (1985 - ) est un véritable point focal de la visite. Acrylique blanche sur fond noir et de plusieurs mètres de long et de haut, elle absorbe immédiatement son spectateur et fait souffler le vent dans les dunes de sable aux oreilles de celui qui la regarde. Le motif du point, agencé avec virtuosité, devient grain minéral emporté par des bourrasques sur les crêtes rouges du désert du Territoire du Nord, d’où l’artiste est originaire.
Aboriginalities est une belle découverte, et propose pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas l’art aborigène d’Australie moderne et contemporain une superbe introduction. Vous avez jusqu’au 1er août pour vous émerveiller !
Elsa Spigolon