La faute à Christophe Colomb

Scène de navigation issue de Moana, 2016. © Walt Disney Production

« Je ne puis garantir qu'on n'en fera pas d'autres découvertes à l'avenir, car bien des gens plus qualifiés que nous se sont trompés à propos de celle-ci. J'ai peur que nous ayons les yeux plus grands que le ventre, et plus de curiosité que nous n'avons de capacité. Nous embrassons tout, mais nous n'étreignons que du vent. »1

Après son exploration du Pacifique à la fin du XVIIIème siècle, le capitaine James Cook clôt le débat de la possible existence d’un grand continent dans l’hémisphère sud qui serait suffisamment étendu pour créer un équilibre entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud. Mais, selon cette croyance ancrée dans les esprits, il était d’usage de penser que Dieu avait créé toute chose de manière symétrique.2 Durant trois siècles, les explorateurs européens sont partis à la recherche de cette terre, ce qui nous donne la première des motivations de l’explorateur : cartographier le monde.

C’est avec le voyage de Christophe Colomb en 1492 que l’on voit naître un goût pour la conquête de terres nouvelles. Par son voyage, la couronne espagnole entendait rejoindre l’Inde afin de créer de nouvelles routes pour le commerce des épices, mais aussi agrandir l’empire espagnol, ce qui nous mène à la deuxième motivation de l’explorateur : partir à la conquête de nouveaux territoires et mettre en place un nouvelle dynamique économique.

À partir du XVIème siècle, les penseurs et philosophes tels que Montaigne, Rousseau et Diderot se lancent dans une quête : trouver « l’homme naturel », à l’opposé de ce qu’ils sont, des produits de la civilisation. Afin de comprendre les relations de pouvoir entre les hommes, les penseurs et philosophes lisent des récits d’explorateurs comme celui de Bougainville dans le cas de Diderot, afin d’en tirer les clés du concept du maître et de l’esclave théorisé par Hegel. Cependant, selon Linda Tuhiwai Smith, « l’impérialisme et le colonialisme sont des créations européennes qui ont permis à l’Ouest de voir, de nommer et de connaître les communautés autochtones »3 :  c’est, selon elle, la dernière des raisons qui pousse les Européens à explorer la planète.

L’âge d’or de l’exploration : le siècle des lumières

L’exploration est une inspection, l’action d’explorer, qui ne peut être dissociée de ses agents : les explorateurs. Selon Rousseau, il existe quatre types d’explorateurs : les missionnaires, les soldats, les marchants et les marins.4 Au XVIIIème siècle, Cook, Dumont d’Urville, Magellan, Bougainville, Lapérouse et bien d’autres ont traversé le Pacifique de toutes parts. Pour la plupart des Européens, ces noms sont associés à l’un des grands héritages de l’histoire : une meilleure connaissance de notre planète. Si nous avons pu garder une trace de cet héritage c’est grâce aux journaux de bord, aux récits, ou encore aux commentaires de journaux d’explorations comme le fameux Supplément au Voyage de Bougainville rédigé par Diderot. Mais pour Linda Tuhiwai Smith, cet héritage qui nous est si précieux n’est rien d’autre que de la « littérature impérialiste » rédigée par les « pères du colonialisme ».5 Comment l’entreprise d’une exploration pacifique a pu se transformer en bain de sang colonial ?

Le Capitaine Cook prenant possession de la Nouvelle-Galles du Sud, au nom de la couronne en 1770. © Ann Ronan/Getty Image

Lors de leur voyage à travers le Pacifique, tous les explorateurs avaient un but commun : trouver un morceau de terre perdu dans l’immensité de l’océan. Ils ont par la suite rencontré les natifs des îles nouvellement « découvertes » qu’ils se sont appropriés. C’est en plantant le drapeau du pays colonisateur et en renommant la terre du nom d’une de ses provinces (par exemple : Nouvelles-Hébrides) que les puissances européennes prenaient possession de ces terres ‘nouvelles’. Les mots de Jules César Veni Vedi Vici résument bien l’emprise coloniale exercée à l’époque et débattue par Rousseau et Diderot qui souhaitaient mettre en avant l’égalité entre les Hommes.

Pour définir les « sauvages », Rousseau et Diderot ont tous les deux utilisé des concepts européens. Mais selon Thomas Hylland Eriksen, c’était tout sauf un bon début. En effet, de cette manière, Rousseau et Diderot considéraient que ce qui faisait partie intégrante des droits de l’Homme en Europe devait l’être de même pour tous les peuples.6 Dans son Histoire des deux Indes, Rousseau dit que nous vivons selon trois codes : le code de la nature, le code  civil  et  le  code  religieux.7 Cependant,  selon  Rousseau  et  Diderot,  le  « sauvage », lui, ne vit que sous un seul code : celui de la nature.

Diderot affirmait que la rencontre entre l’Homme civilisé et le sauvage était indispensable. En effet, il considérait les « sauvages » comme une incarnation de la nature, une représentation de la « naissance de l’humanité ». Pour autant, Diderot pensait que ces « sauvages » n’étaient pas plus naturels que nous, mais que leur « naturalité était simplement plus transparente ».8 Bien qu’il qualifiât à la fois les « sauvages » et les européens de naturels, Diderot a souhaité mettre en avant les inégalités et les relations de pouvoir à travers un dialogue de sa création. Dans ce dialogue, Diderot montre comment « l’homme civilisé » profite du « sauvage » lors d’une scène de revendication d’un territoire. « Cette terre nous appartient » était gravé sur une plaque de métal afin de montrer la manière dont les blancs s’étaient appropriés la terre « découverte » pour la mettre au service de l’empire alors en construction :

Que pensez-vous ? Nous sommes plus forts que nous le paraissons. Qu’est-ce que cela signifie ? […] Vous préféreriez mourir que de devenir esclaves et, pourtant, vous êtes prêts à nous réduire à l’esclavage ! Dès lors, croyez-vous que nous ne savons pas comment mourir en défendant notre liberté ? [Nous] sommes tous deux enfants de la nature – quel droit possédez-vous sur [nous] que nous ne possédions sur vous ? […] Nous n’avons nul souhait de faire commerce de ce que vous appelez notre ignorance contre votre connaissance éclairée inutile. »9

À travers ce dialogue, Diderot montre comment les natifs avaient eux aussi une voix et essayaient de résister à l’esclavage du système colonial. Plus encore, il mettait en avant le droit à la liberté des « sauvages » qui est pourtant, si l’on suit la théorie d’Eriksen, une notion bien européenne. Bien qu’il utilise un concept européen, Diderot voulait mettre en avant ce droit à la liberté en montrant que les autochtones pouvaient également avoir une voix. Au XXème siècle, Malinowski a été un des premiers anthropologues à remettre en question cette technique d’analyse d’une population autre que la nôtre avec nos propres concepts ; cela a été un grand changement pour les années à suivre dans le monde de l’anthropologie.

Dans le texte de Rousseau, celui que Diderot appelait « l’homme naturel » va alors s’appeler « le bon sauvage » (nom sous lequel on le connaît, mais en réalité jamais précisément mentionné par Rousseau). Mais contrairement à Diderot, Rousseau n’a, à aucun moment, essayé de donner une voix légitime ou une liberté aux natifs. Bien au contraire, il a insisté sur leurs différences et, plus particulièrement, sur ce qui rendaient le « bon sauvage » inférieur à l’homme blanc. Selon Rousseau, une des différences les plus frappantes est que « l’homme civilisé » est fort, intelligent, exerce son pouvoir, alors que le « bon sauvage » a seulement son corps pour instrument.10 Il a poussé son développement encore plus loin en affirmant que « la nature commande tous les animaux, et la bête obéit ».11 Rousseau met ici en avant l’idée que le « bon sauvage » n’a que la nature pour seul code et que seul un animal, ou son égal, peut donc lui obéir. Par cette comparaison, Rousseau fait du « bon sauvage » un esclave une deuxième fois, sous l’oppression de deux maîtres. C’est la théorie du maître et de l’esclave de Hegel qui a par la suite aidé à mieux comprendre ces relations de pouvoir.

Dans l’exemple de Rousseau, les deux maîtres du « bon sauvage » sont la nature et les Européens. Ce qui a fait des Européens des maîtres est leur indépendance, contrairement aux « sauvages » qui, eux, dépendaient de la nature.12 Le concept hégélien de la relation entre le maître et l’esclave, le « bon sauvage » de Rousseau et « l’homme naturel » de Diderot sont trois manières de mettre en avant le même modèle de l’oppresseur et de l’opprimé. Cette idée que trois hommes d’une même période travaillent sur des concepts similaires peut être liée à une ethnographie naissante.

Mais comment peut-on expliquer la naissance soudaine d’une pré-ethnographie au XVIème siècle ? Selon Philippe Descola, l’une des caractéristiques principales de l’Europe et des Européens est le « besoin de contrôler la connaissance des territoires de manière à s’assurer d’une domination des peuples et des ressources. »13 Appeler « une découverte de territoires inconnus » était une autre forme de domination. Ainsi que l’affirme Descola, on ne peut pas explorer et encore moins découvrir des territoires qui sont déjà habités et qui ont été autrefois découverts et explorés par les habitants même de ces territoires.14 

Captain James Crook, 2013, Jason Wing, exposition Defying Empire,National Gallery of Australia 2017. © Photographie Clémentine Debrosse

C’est le mythe de la découverte de l’Australie que l’artiste aborigène australien Jason King entend dénoncer dans sa sculpture Captain James Crook15 (2013). S’il s’agit à première vue d’un bronze du capitaine Cook portant une cagoule, c’est en réalité la représentation et la dénonciation du rôle joué par Cook lors de l’invasion de l’Australie. Jason Wing explique que lorsqu’il était au lycée, on lui a enseigné que l’Australie avait été découverte par Cook en 1770. Ce qu’il appelle un « mensonge colonial » trouve son expression dans la sculpture en bronze érigée à Hyde Park à Sydney et sur laquelle est gravé « Le capitaine Cook a découvert l’Australie en 1770 ».16 À travers cette phrase et la notion de « découverte », Jason Wing explique que c’est l’histoire des aborigènes d’Australie qui est effacée. Pour l’artiste, l’Australie n’a pas été découverte, mais a subi un vol à main armée.

Des parallèles peuvent être établis entre le point de vue de Jason Wing et celui de Linda Tuhiway Smith. Cette dernière estime qu’il est inadmissible que « l’Occident puisse désirer, arracher et s’approprier nos modes de connaissance, nos images, les choses que nous avons créées et les idées que nous avons développées, et cherchent à nier aux autochtones la possibilité d’être les créateurs de leur propre culture et de leur propre nation ».17 Cette prise de position formule l’idée d’une résistance des peuples autochtones contre le système européen de toutes les façons possibles. Dans Decolonizing Methodologies, elle fait remarquer que les Européens doivent arrêter de s’immiscer dans l’histoire et la culture autochtone, même si leur démarche est faite de bonnes intentions. Le travail ethnographique sur les sociétés natives a, pour la bonne part, été accompli par des Occidentaux et sont des restes de la colonisation, comme si le pouvoir des Occidentaux s’exerçait toujours. En tant que chercheuse autochtone, Linda Tuhiwai Smith souhaite faire pleinement partie du monde de l’anthropologie blanc en vue de se (ré)approprier et d’exprimer une vérité sur sa propre histoire et sa propre culture. Pour arrêter toute forme de colonisation quelle qu’elle soit, elle estime que les peuples autochtones doivent faire partie intégrante du discours anthropologique pour qu’une véritable décolonisation ait lieu. Pourtant, selon Wilmer, aussi longtemps qu’il y aura des peuples identifiés spécifiquement comme « natifs » ou « autochtones », on pourra parler de colonisation car « les peuples autochtones représentent la question inachevée de la décolonisation ».18

Les Européens n’ont jamais découvert aucune terre

Omai, gravure d'après Joshua Reynolds.

Alors que les traités de Rousseau, Diderot et Hegel expriment la différence entre les natifs et les Européens, les explorateurs ont ramenés en Europe des hommes et femmes natifs pour les civiliser et qu’ils s’accoutument à la vie européenne.

Omai est probablement le plus connu d’entre eux après Tupaia. C’était un jeune homme né au milieu du 18èmesiècle qui était originaire de l’île de Raiatea dans l’archipel des îles de la Société.19 Après son passage aux îles de la Société, Cook est rentré en  Angleterre  en emportant  Omai  avec  lui  afin  de  montrer  à  la  société  britannique  quel  type  de  « sauvage » il avait pu rencontrer, mais également pour prouver que certains d’entre eux pouvaient montrer une certaine forme de civilisation. Cook a remporté Omai de la même façon dont il a remportait de nombreux objets du Pacifique, comme un trophée. Plus qu’un curios, Omai était presque une expérience scientifique. Des années plus tard, on se souvenait toujours du nom d’Omai car il a été le personnage central d’un spectacle à la mise en scène élaborée et le héros d’un texte en prose à la vision et à la dimension épique ».20

Pourrions-nous cependant considérer la visite d’Omai au Royaume-Uni comme l’exploration du pays par un Tahitien ? Est-ce que les « Envoyés du Pacifique »21 comme Omai ne peuvent pas être considérés comme les vrais explorateurs du monde ? Qu’en est-il des objets collectés ? Ne sont-ils pas eux aussi des sortes d’explorateurs du continent ? En effet, au cours du temps, ils ont voyagé à travers les océans, les collections privées, les musées, de pays en pays. La plupart des objets rapportés par le capitaine Cook sont aujourd’hui, pour la plupart, dans les collections du British Museum. Ils sont les vestiges d’une époque, la preuve vivante des cultures du Pacifique, un point de repère à la fois pour les Européens et les autochtones, afin de pouvoir se reconnecter avec le passé mais aussi avec le présent et les cultures bien vivantes du Pacifique.

Christophe Colomb et les explorateurs qui ont suivi ont-ils été les premiers explorateurs des mers ? Toutes les recherches en archéologie et sur la façon dont l’océan pacifique a été peuplé montre que cela n’a pas été le cas. En effet, le peuplement de la Polynésie a eu pour point de départ l’Asie du sud. Les Polynésiens en devenir ont navigué à travers l’océan, d’îles en îles, jusqu’à ce qu’ils atteignent Hawaii, l’île de Pâques et la Nouvelle-Zélande. Contrairement aux navigateurs européens, les Polynésiens ont réellement découvert des terres vierges d’habitation grâce à leur grande connaissance de la mer. Elsdon Best considérait les navigateurs polynésiens comme « probablement les navigateurs les plus intrépides que le monde ait connus ».22 Les Polynésiens, contrairement aux Européens, avaient une profonde connaissance de la mer et leur peuplement en est une preuve : ils étaient les héros de la navigation, les réels explorateurs.

Image issue de Moana, 2016. © Walt Disney production

Grâce au film d’animation Disney Moana sorti en 2016, l’importance de la navigation dans le Pacifique d’une part, et les Polynésiens comme étant les vrais explorateurs du monde d’autre part ont rencontré la culture populaire européenne. Le film raconte l’histoire d’une jeune fille, future cheffe de son île, Motu Nui, qui part dans une quête pour trouver le demi-dieu Maui, afin de rendre son cœur à la déesse Te Fiti et de restaurer l’harmonie en Polynésie. Poussée par l’interdiction de son père de naviguer au-delà la barrière de corail, Moana part voyager à travers l’océan contre son gré après avoir découvert que ses ancêtres étaient autrefois explorateurs. L’exploration est le thème principal du film et les polynésiens sont loués pour leurs grandes qualités de navigation. Cependant, si on repense à l’argument de Linda Tuhiwai Smith, c’est une fois de plus une vision occidentale qui s’empare d’une histoire polynésienne ; car à travers la perspective de Disney, une autre forme de colonisation apparaît.

L’Exploration Inversée : une étude de cas

À travers l’histoire, les Occidentaux ont « exploré » le pacifique. Mais qu’en est-il des habitants du Pacifique qui ont exploré l’Occident ? C’est précisément parce que c’était inhabituel que le photographe et cinéaste français Marc Dozier a eu l’idée de tourner L’Exploration Inversée, un film documentaire qui montre deux Papous qui arrivent en France pour explorer une culture différente, de la même façon que les Français étaient allés en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Mundiya Kepanga et Polobi Polia en face de la Tour Eiffel. © Marc Dozier

Selon Mundiya Kepanga, lui et son ami Polobi Polia sont venus « découvrir le pays de hommes blancs ».23 Contrairement à ce que les Européens avaient fait lors de leurs voyages dans le Pacifique, les Papous décrivent les Blancs en terme de leur ressemblance avec eux, à l’exception de la couleur de leur peau.24 Mais certaines de leurs réactions sont semblables à celles des Européens arrivant dans le Pacifique. Juste après leur arrivée en France, Mundiya demande : « Est-ce que c’est le paradis ? »25, cette même notion de paradis qui avait conduit des gens comme Gauguin à s’établir à Tahiti. Tout au long de leur voyage, Mundiya et Polobi essaient de comprendre les us et coutumes du pays en utilisant la connaissance qu’ils ont des leurs. C’est la même technique que les Européens avaient utilisée lorsqu’ils étaient arrivés dans le Pacifique – technique que Malinovski estimait ne pas être la meilleure pour obtenir des résultats « non-pollués ». Au cours de leur exploration de la France, les Papous posent des questions et veulent savoir ce qu’ils pourraient voir pour mieux comprendre la culture française : au cours d’un dîner, Mundiya et Polobi demandent s’il y un lien entre le fait qu’il y a dix invités et dix chandeliers, ce à quoi les hôtes répondent que non. Plus tard, Marc Dozier, leur guide dans ce voyage d’exploration, les emmène dans un élevage de porcs, sachant qu’ils seront probablement impressionnés de voir autant de porcs dans un même endroit en raison de l’importance de ces derniers en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Polobi et Mundiya demandent au fermier si, avec tant de porcs, il se considère riche. Ce dernier répond que non. Mais étant donné tous les porcs qu’il possède, Polobi et Mundya refusent de croire le fermier.26

Au cours de leur exploration de la France, les Papous ont collecté et rassemblé des objets que, plus tard, ils ont remportés dans leurs villages pour rendre compte de leur voyage et de leurs découvertes concernant les Français et leurs coutumes étranges. De la même façon que Joseph Banks avait rapporté différentes espèces aux Royal Gardens, Mundiya et Polobi ramassent des fruits dans la forêt pour les planter à leur retour dans les Hautes-Terres de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Leur façon d’analyser et de prêter attention au moindre détail au cours de leur voyage à travers la France est une technique très proche de l’observation participante développée en ethnographie par Malinowski dans la première moitié du XXèmesiècle. Pendant quatre mois, Mundiya et Polobi ont été les explorateurs, voire les ethnographes d’une culture étrangère.

À la question « Est-ce que l’exploration est une invention occidentale ? », on peut de toute évidence répondre « Non ». Mais cela ne veut pas dire que les Occidentaux n’ont pas joué un rôle majeur dans l’histoire de l’exploration. L’expansion impérialiste a été utilisée pour justifier que les Européens colonisent des populations considérées non-civilisées ou « sauvages ». Lorsqu’ils sont arrivés dans le Pacifique, les explorateurs ont administré chaque territoire comme s’il leur appartenait. Pendant des siècles, les îles du Pacifique ont été, et sont encore opprimées par l’empire européen. On peut affirmer que ces territoires le sont encore car, comme l’explique Adam Kuper, les cultures autochtones sont minoritaires et sous le contrôle d’états dans lesquels se trouvent leurs terres.27 Si l’exploration va de pair avec l’acquisition du pouvoir, cela veut-il dire que l’Homme n’a de cesse de contrôler les autres ? Stocking explique que c’est l’attrait pour le primitivisme et pour le passé qui mène et mènera toujours les hommes à se lancer dans des explorations, ou bien devrais-je dire, à faire de l’étude de terrain ?28

Clémentine Debrosse

1 Montaigne, Michel de, 2003, p. 229.

2 Kreidl, Margot, 2017, https://casoar.org/2017/11/01/cannibales-et-vahines-cartographie-dun-imaginaire-occidental/

3 Tuhiwai Smith, Linda, 1999, p. 60.

4 Rousseau, Jean-Jacques, Cited dans Duchet, Michèle, 1971, p. 98.

5 Tuhiway Smith, Linda, 1999, p. 20.

6 Eriksen, Thomas Hylland, 2015, p. 214.

7 Rousseau Jean-Jacques cité par Henaff In Diderot, Denis, 1985, p. 61.

8 Diderot, Denis, 1985, pp. 72-73.

9 Diderot, Denis, 1985, p. 83.

10 Rousseau, Jean-Jacques, 1984, p. 82.

11 Rousseau, Jean-Jacques, 1984, p. 88.

12 Heidegger, Martin, 1988, p. 115.

13 Descola, Philippe, 2017, France Culture.

14Ibid.

15 Jason Wing joue sur le nom de Cook et le rapprochement avec ‘crook’ qui signifie ‘escroc’ en anglais.

16 Débrosse, Clémentine, 2017, https://casoar.org/2017/09/04/defying-empire-troisieme-triennale-dart-indigene-daustralie-et-du-detroit-de-torres/

17 Tuhiwai Smith, Linda, 1999, p. 1.

18 Wilmer cité dans Tuhiway Smith, Linda, 1999, p. 7.

19 McCormik, Eric Hall, 1977, p. 1.

20 McCormik, Eric Hall, 1977, p. 295.

21 McCormik, Eric Hall, 1977, titre anglais : "Pacific Envoy".

22 Best, Elsdon, 1954, p. 5.

23 Kepanga, Mundiya, In Dozier, Marc, 2007, 2’

24 Kepanga, Mundiya, In Dozier, Marc, 2007, 3’20”

25 Kepanga, Mundiya, In Dozier, Marc, 2007, 4’13”

26 Kepanga, Mundiya et Polia, Polobi, In Dozier, Marc, 2007, 28’25”

27 Kuper, Adam, 2003.28 Stocking, George W., Jr., 1991, pp. 67-68.

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