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Les Talipun de Papouasie-Nouvelle-Guinée

          The talipun font partie des monnaies traditionnelles les plus célèbres d’Océanie. Ces objets hétéroclites et insolites, qui étaient fabriqués en Papouasie Nouvelle-Guinée, sont composés d’une coquille partiellement ajourée du gastéropode turbo, connu sous le nom commun de ruban vert et sous le nom scientifique de turbo marmoratus. Une autre partie,  présentant  une  figure tressée en fibres – ou plus rarement, sculptée dans du bois –, est rehaussée de pigments et bordée de plumes du grand oiseau endémique de Papouasie-Nouvelle-Guinée, que vous connaissez désormais bien sous le nom de casoar.

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Un talipun à visage des collections du musée Barbier-Mueller. © Musée Barbier-Mueller, Genève

        La figure représentait le plus souvent un visage aux yeux protubérants, une forme conique ou encore un oiseau stylisé, et serait une évocation des esprits, des ancêtres ou des totems claniques tels que le calao (fale), le cacatoès noir (maenge), le faucon noir (sangi) ou le kangourou arboricole. Les motifs peints étaient spécifiques à chaque clan, bien que certains motifs, appelés mak nating en Tok Pisin, soient plus génériques.

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Un talipun exceptionnel présentant une figure de vannerie complexe surmontée de deux oiseaux. © Musée Barbier-Mueller, Genève

     The talipun sont produits par le groupe Yangoru-Boiken, résidant sur un large territoire en Papouasie-Nouvelle-Guinée s’étendant du centre de la chaîne de montagnes Prince Alexander jusqu’à la mer de Bismarck. Le plus souvent, les talipun sont des supports de grande valeur employés dans le contexte d’un mariage pour la « dot » de l’épouse (« bride-price ») ; on a pu en observer jusqu’à une vingtaine pour une femme. Lors de ces cérémonies, ils étaient présentés avec des anneaux en coquille de bénitier weinka, tridacna gigas. Placés ensemble, les anneaux de coquillage et les talipun évoquaient la forme du corps de la future épouse. Les talipun pouvaient aussi être utilisés comme compensation de dommages dans les conflits entre clans et tribus, ou encore en contexte funéraire. Ces œuvres sont échangées à l’intérieur du groupe, mais également avec les groupes voisins comme les Maprik, les Abelam, les Dreikikir ou encore les Iatmul.

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Un talipun dont la figure de vannerie peinte est surmontée d’un oiseau. © Michael Hamson

         Les Yangoru-Boiken distinguent trois types de talipun : masculin (hombulyi), féminin (horie) qui peuvent être tous deux utilisés comme monnaie d’échange, ainsi qu’un troisième type aux pouvoirs particuliers (koliava) pouvant être de l’un ou de l’autre genre et qui était conservé dans l’habitation familiale. Ce dernier type permettait d’assurer des jardins aux cultures fertiles et des porcs en bonne santé aux individus qui en avaient la garde. Dans certains cas, les talipun pouvaient aussi être gardés dans la maison des esprits du clan, appelée haus tamabaran en Tok Pisin.

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Ci-dessus : un spécimen de turbo marmoratus partiellement poli afin d’en laisser apparaître la nacre, composante essentielle des talipun.

          Les coquillages turbo étaient considérés comme des objets de grande valeur par les Yangoru-Boiken, qui les échangeaient avec les groupes du littoral et des îles côtières Mushu, Kairiru, Walis et Tarawai contre du tabac, de la nourriture ou contre des bilum, des sacs de fibres tressés par les femmes. Dans les années 70, on échangeait jusqu’à six bilum contre un coquillage. Après un voyage par les montagnes de Papouasie-Nouvelle-Guinée de deux à trois jours, les coquilles échangées parvenaient aux villages où elles étaient alors transformées.

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Ci-dessus : un billet de 5 kina de Papouasie-Nouvelle-Guinée.

        Avec l’arrivée des missions chrétiennes dans la région de Yangoru dans les années 1930 et 1950, la culture Yangoru-Boiken disparut largement. Dans les années 1960 et 1970, les talipun furent massivement collectés par les marchands d’art. Aujourd’hui, on trouve des représentations de talipun, c’est-à-dire la monnaie traditionnelle, sur la monnaie moderne, à savoir les billets de 5 kina !

Elsa Spigolon

Bibliography:

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