Tupuna > Transit

Exposition Tupuna > Transit © Photographie : Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha.

En parallèle des travaux de rénovation entrepris depuis quelques mois, le Musée de Tahiti et des Îles - Te Fare Manaha propose aux visiteurs de découvrir ou re-découvrir ses collections à travers l’exposition temporaire TUPUNA > TRANSIT.

En franchissant le seuil, le premier espace d’exposition marque les esprits en présentant l’imposant tiki du me’ae Mu’utea de la vallée Atuona à Hiva Oa aux îles Marquises. Cette sculpture anthropomorphe en bois est la plus grande pièce monoxyle des collections du musée. Sa présence est associée à plusieurs panneaux rappelant les grandes étapes de l’histoire de l’établissement. Ils permettent également d’introduire les projets actuels de réaménagement et offrent l’opportunité aux visiteurs de découvrir la conception de la future salle d’exposition permanente.

Ancienne caserne de l’infanterie coloniale de l’avenue Bruat à Papeete, Tahiti © Photographie : Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha

Créé en 1917 par la Société des Études Océaniennes au premier étage de l’ancienne caserne d’infanterie coloniale, l’ancien « Musée de Pape’ete » a depuis fait l’objet de multiples changements. L’achat des terres situées à la Pointe Nu’uroa dans la commune de Puna’auia1 par le Gouverneur Sicurani en 1967 marque un tournant dans l’histoire muséale. Le site abritait autrefois le marae Taputapuātea2, espace culturel et religieux de Tahiti, et fut également le lieu d’installation des missionnaires de la London Missionary Society. Plus tard, lors de la guerre franco-tahitienne (1844-1846), un fort fut érigé par les troupes de l’armée française avec les pierres du marae.

Ainsi, le musée s’insère au sein d’un environnement lié à un patrimoine culturel et historique riche.3 La salle d’exposition permanente et sa scénographie datent de l’ouverture au public en 1977 ce qui motive également le projet de réaménagement. À cette occasion, l’exposition permet d’accompagner les tupuna (les ancêtres) vers leur nouveau séjour.

Le parcours se poursuit en longeant la pirogue de Tatakoto de l’archipel des Tuamotu. Évoquant les grandes migrations, elle rappelle le voyage des ancêtres à bord des grandes pirogues doubles et établit un lien avec le transfert actuel des collections.

Carte de la Polynésie Française. © CASOAR

Les 118 îles qui composent la Polynésie française ont probablement été peuplées au cours du premier millénaire. Réparties en cinq archipels, elles présentent des environnements différents selon les îles hautes ou les îles coralliennes. À partir d’un socle commun, elles ont développé chacune des caractéristiques particulières. L’exposition permet de rendre compte, à travers des objets emblématiques, de ces spécificités et illustre les concepts culturels polynésiens.

« Les missions dévolues au Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha sont le recueil, la conservation, la restauration, la reproduction et la présentation au public des objets, des spécimens et des collections ayant trait au patrimoine de l’Océanie, et plus particulièrement, au patrimoine polynésien. »4

Dans cette perspective, le scénographe de l’exposition Michael J. Koch a réalisé quatre grandes pirogues pour exposer les œuvres spécifiques à chaque archipel. Inspiré par les travaux de l’artiste Māori George Nuku, il a conçu des panneaux en plexiglas présentant des pétroglyphes gravés provenant des îles de Tupu’aï, Mo’orea, Tahiti et des îles Marquises.

Détail pirogue, Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha © Photographie : Iris Rosier

Pirogue des îles de la Société, Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha © Photographie : Iris Rosier

Ces supports mettent en valeur les savoir-faire et permettent de comparer des productions telles que les battoirs ou les pilons selon les styles propres aux archipels. Tandis que d’autres pièces, minutieusement sélectionnées, sont principalement liées au prestige et au sacré. Le poteau de plate-forme d’offrandes Pou fatarau, trouvé dans un marécage près du marae Maha’iatea, est unique à ce jour dans les collections muséales.

La scénographie épurée présente peu de texte et favorise l’espace pour les visiteurs. Les murs bleus dévoilent une série de mots thématiques, appelés « nuages de connaissance » par Michael J.Koch, dans les langues de tous les archipels.

Au sein du dernier espace d’exposition, une borne multimédia évoque l’histoire des collections en offrant la possibilité aux visiteurs de naviguer dans les anciennes salles d’exposition du musée. Jouant sur cet état intermédiaire, la visite se termine par la présentation des dernières acquisitions du musée. Parmi les pièces acquises en 2016 et 2017 on découvre un collier de chamane tlingit provenant d’Alaska qui comporte un ornement d’oreille masculin marquisien pu taiana. À la fois témoin des échanges dans le Pacifique au cours du XIXème siècle, il reflète aussi l’enrichissement continu des collections.

En attendant la réouverture du Musée, prévue pour 2021, on peut découvrir le projet conçu par le cabinet d’architecte Picart et le studio Adrien Gardère, lauréats du concours de maîtrise d’œuvre pour la rénovation et l’extension des espaces d’exposition.

Projet pour le futur musée © Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha

Ils prévoient une approche muséographique nouvelle, en rupture avec les canons traditionnels de la scénographie, et donnent une place importante à la capacité d’évolution de la salle permanente en décloisonnant l’espace. Afin d’offrir une meilleure compréhension des différentes îles, de leurs liens et de leurs particularités culturelles, la scénographie se développera en archipels et îlots activant les séquences thématiques.5

L’exposition temporaire Tupuna > Transit est conçu sur une période longue, et s’achèvera lors des journées du Patrimoine en septembre 2020.

Iris Rosier

Je souhaite remercier Marine Vallée, Assistante de conservation du Musée de Tahiti et des îles, pour son aide lors de ses visites guidées.

1 Actuellement Pointe des Pêcheurs, à quelques kilomètres de Papeete.

2 L’ancien Marae Taputapuātea de Puna’auia fut un site culturel important à Tahiti jusqu’aux premières rencontres dès 1767. Dédié au culte du dieu de la guerre Oro, chacun de ses angles aurait été édifiés avec des pierres prélevées sur le Marae Taputapuātea situé sur l’île de Ra’iatea (pour aller plus loin : Taputapuātea : un nouveau trésor inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO publié le 4 septembre 2017 par Garance Nyssen https://casoar.org/2017/09/04/taputapuatea-un-nouveau-tresor-inscrit-sur-la-liste-du-patrimoine-mondial-de-lunesco/).

3 MU-LIEPMANN, V. & DAVOINE, S., 2001. « Du Musée de Pape’ete au Musée de Tahiti & des îles Te Fare Iamanaha ou la genèse du Musée territorial ». In Les collections du Musée de Tahiti et des îles. Tahiti, Te Fare Iamanaha, Editions du Musée de Tahiti et des Îles, pp. 13-25.

4 Citation provenant du panneau introductif de l’exposition temporaire Tupuna > Transit.

5 Studio Adrien Gardère.

Bibliographie :

  • COLLECTIF, 2001. Les collections du Musée de Tahiti et des îles. Te Fare Iamanaha, Editions du Musée de Tahiti et des Îles.

Iris Rosier

Arrivée en cours de cursus à l’École du Louvre, Iris découvre le monde fabuleux des arts océaniens. Fascinée par les masques du Détroit de Torrès autant que par les sculptures polynésiennes, elle réalise, le temps d’un été, un stage au musée de Tahiti et des îles. Aujourd’hui fraîchement installée à Lyon où elle termine son master, son attachement à l’Océanie ne tarie pas et ce n’est qu’une question de temps pour qu’elle poursuive son exploration …

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