Les recherches de provenances, késako ?

Massue, bois, L. 68 cm, Nouvelle-Calédonie, Don Le Rat, Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle d'Alençon, 2015.0.449.1 © Soizic Le Cornec

Au cours des dernières années, les recherches de "provenances" sont devenues centrales et sont mobilisées par le monde des musées, les institutions de recherche et par les pouvoirs publics. La proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques, adoptée par le Sénat en première lecture le 10 janvier 2022, qui porte une attention tout particulière au développement de la recherche de provenances, témoigne de cette actualité. De quoi s'agit-il exactement ? Cette semaine, CASOAR décrypte la recherche de provenance en termes théorique et pratique.

Des recherches plurielles sur les collections

La discipline émerge avec la volonté de questionner la propriété légitime et la conservation des objets acquis en situation coloniale dans les musées. Ces recherches sont interdisciplinaires, en raison même de la pluralité de significations englobées par le terme de "provenances". Il peut désigner la provenance géographique des objets, afin de les rattacher aux territoires et aux populations qui les ont créés et utilisés. Il décrit aussi la trajectoire des objets : contextes de collecte, circulations à travers les collections publiques ou privées et modalités d’acquisition, expositions… Bien que les acteur·rice·s du marché de l'art soient tout autant confronté·e·s par cette question des provenances, cet article se consacre aux collections publiques. Les recherches de provenances au sujet de l'origine des objets et de leurs vies dans les collections sont bien sûr imbriquées. Il faut penser la question des “provenances” des objets de manière transnationale et relationnelle, en cherchant à mêler les points de vue euro-nord-américains et océaniens. C'est l'une des propositions défendues dans le rapport remis par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy au Président de la République française Emmanuel Macron en novembre 2018 à propos de la restitution du patrimoine africain.1 Si les recherches de provenances sont liées à l'actualité des débats autour des restitutions, elles vont bien au-delà, comme le soulignent Marie Cornu et Noé Wagener : 

« […] au-delà de ce versant matériel de la restitution des biens culturels et derrière l’enjeu, c’est autre chose qui se joue derrière, l’aspiration à l’écriture de cette histoire coloniale […]. D’où l’importance aussi de s’intéresser de plus près aux trajectoires des objets, à la question des provenances, des captations d’héritage plus largement inscrites dans d’autres histoires, sociale, politique, économique ».2

L'histoire de la recherche de provenances appliquée aux collections océaniennes est relativement ancienne. C’est ce que rappellent Hélène Guiot et Magali Mélandri dans l’introduction au numéro 152 du Journal de la Société des Océanistes.3 Ce texte est une synthèse majeure qui recense le travail déjà effectué et donne un aperçu des recherches en cours dans les musées en France. La première étape a consisté en un recensement des fonds océaniens présents dans les collections publiques françaises. Marie-Charlotte Laroche établit un tel repérage au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1945. Elle dresse un bilan négatif sur l’état des collections océaniennes en France, et lance un appel urgent pour entreprendre l’inventaire de toutes ces collections, alors mal connues et mal conservées. Notamment, elle s’inquiète de la destruction des collections dans les musées touchées par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, tels qu’à Brest, Caen et Douai.4 Les recherches menées sur les collections océaniennes se développent au cours des décennies qui suivent, grâce aux nombreux travaux d'Anne Lavondès dès la fin des années 1970, de Sylviane Jacquemin dans les années 1990, puis de Claude Stéfani et Hélène Guiot plus récemment. 

Dans les années 1980, ces recherches répondent à un moment de réflexion intense sur les collections océaniennes en France et à travers le monde. Ces collections sont alors généralement peu exposées dans les musées et très peu documentées. Dans certains musées, les modes d'expositions et les discours sont datés et anciens et ne sont plus en phase avec la réalité contemporaine en Océanie. Les nombreuses recherches entreprises sont aussi liées à un grand cycle de rénovation des musées et des espaces d’exposition entrepris à partir des années 1990. Ces rénovations entraînent de nouvelles circulations des objets entre les collections publiques : la création du musée du quai Branly-Jacques Chirac et le rassemblement des collections océaniennes de l'ancien musée des arts d'Afrique et d'Océanie et du musée de l'Homme en témoignent.

En pratique : quelques exemples et jalons importants pour l'histoire de la recherche de provenance en France

Pour illustrer plus précisément ce que sont les recherches de provenances, revenons maintenant sur quelques exemples de cas pratiques ayant marqué l'histoire des travaux sur les provenances dans les musées en France.

Annonce de la mise en ligne de l’IPDK. © Musée de Nouvelle Calédonie

Un cas majeur est l'inventaire du patrimoine kanak dispersé (IPKD). Cette campagne d’inventaire débute au début des années 1980, à la demande de Jean-Marie Tjibaou (1936-1989), militant et homme politique kanak. Il mandate l’ethnologue Roger Boulay pour effectuer un repérage des collections kanak conservées dans les musées, d'abord en France hexagonale et en Europe. Trois questions principales l'intéressent : où sont les objets ? Comment sont-ils conservés ? Quels sont les discours portés sur les populations kanak à travers eux ?5 Entre 2011 et 2015, ces recherches prennent une plus grande ampleur avec la constitution de la mission IPKD qui bénéficie d'un soutien financier de la part du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. L'équipe compte parmi ses membres Roger Boulay, Emmanuel Kasarhérou (alors directeur culturel de l’Agence de Développement de la Culture Kanak à Nouméa) et Étienne Bertrand (muséographe), ainsi que plusieurs stagiaires ponctuel·le·s, dont Marianne Tissandier (conservatrice-restauratrice, responsable des collections du musée de Nouvelle-Calédonie à Nouméa) et Jean-Romaric Néa (chef du service de la Valorisation du Patrimoine en Province Nord de Nouvelle-Calédonie). L’exposition Carnet Kanak, voyage en inventaire a été consacrée à ce travail, sous le commissariat de Roger Boulay et d'Emmanuel Kasarhérou, au musée d'art et d'histoire de Rochefort-sur-mer (24 février - 4 juin 2022). Elle est actuellement en cours au musée du quai Branly-Jacques Chirac : un moyen de se plonger dans la recherche en actes !6 Ainsi, ce projet d’inventaire des collections kanak illustre plusieurs problématiques propres aux recherches de provenances : le travail de longue haleine parfois entrepris pendant plusieurs décennies, la collaboration d'équipes plurielles et pluridisciplinaires témoignant d'un large spectre de compétences, ainsi que la dimension collaborative de tels projets.

Mati, « Mon musée pour m’amuser », 2012, encre de Chine et aquarelle sur papier, retouche numérique. © monmuseepourmamuser,  https://www.instagram.com/monmuseepourmamuser/

Dans une perspective intégrant l'ensemble des objets océaniens, le ministère de la Culture a effectué un recensement des collections océaniennes dans les musées en France. La mission était dirigée par Roger Boulay. En 2007, il était possible d’estimer 65 000 objets océaniens répartis dans 116 musées, privés et publics. L'Annuaire des collections publiques françaises d'objets océaniens, sur la base de données Joconde, comprend un classement des collections par musées et indique les fonds de collections les plus importants en nombre, en termes de provenances géographiques, et des personnalités ayant participé à les constituer.7 Des recherches plus localisées ont été entreprises autour de fonds de collections. C'est le cas des collections océaniennes conservées dans les musées du Nord-Pas-de-Calais, étudiées par les chargé·e·s de collections ainsi que Roger Boulay et Sylviane Jacquemin dans les années 1990. Ce travail a fait l'objet d'une exposition, permettant ainsi de mieux faire connaître les collections de la région et de visibiliser leur historique. Intitulée Océanie, curieux, navigateurs et savants, elle s'est tenue au muséum d’histoire naturelle de Lille puis dans d'autres musées de la région en 1997. Le catalogue publié à cette occasion demeure une source importante pour la recherche.

Couverture du catalogue de l’exposition Océanie, curieux, navigateurs et savants. Lille : musée des Beaux-Arts, 1997.

Les recherches se poursuivent en nombre à l'heure actuelle. Sur le modèle de l'IPKD, le gouvernement de la Polynésie française finance un travail d'inventaire raisonné des collections polynésiennes dispersées dans le monde.8 Initié pendant la préparation de l’exposition Matahoata, Arts et société aux Îles Marquises, présentée au musée du quai Branly-Jacques Chirac en 2016, le projet est mené par Hélène Guiot, Véronique Mu-Liepmann et le musée de Tahiti et des îles-Te Fare Mahana. La base de données est consultable sur inscription, en accès limité, pour les musées dont les collections ont été inventoriées. Offrir des financements à ces recherches est un autre enjeu crucial. La BnF et le musée du quai Branly-Jacques Chirac proposent, depuis quelques années, des bourses de recherche sur l'histoire et le parcours des collections extra-européennes. Pour l’année 2021, Marine Vallée, assistante de conservation au Musée de Tahiti et des Îles, post doctorante membre du laboratoire EATSCO EA4241 (Université de la Polynésie française), en fut lauréate avec son projet « Tracés de collections et d’expositions : la Polynésie française dans le paysage muséal parisien ». 

Un enjeu important pour les institutions initiatrices des recherches est de les rendre visibles et de les partager à un large public. D'abord accessible uniquement au musée de Nouvelle-Calédonie, la base de données de l'IPKD est désormais accessible en ligne depuis novembre 2022.9 En outre, le programme de recherche "Vestiges, indices, paradigmes : lieux et temps des objets d’Afrique (XIVème-XIXème siècle)" dirigé par Claire Bosc-Tiessé au sein de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) comporte un volet consacré à une cartographie des musées conservant des collections d’objets africains et océaniens.10 Cette cartographie s'appuie sur la base de l’annuaire Kimuntu piloté par Émilie Salaberry au musée d’Angoulême, qui visait à donner de la visibilité aux collections régionales et, surtout, à mettre en contact les responsables de collections de ces objets, parfois non spécialisé·e·s sur ces régions.

Capture d’écran de la base de donnée « Le Monde en Musée ». © INHA, https://monde-en-musee.inha.fr/

La discipline de la recherche de provenances tend à se professionnaliser depuis quelques années, à travers la formation (Diplôme universitaire à l’Université de Paris-Nanterre depuis janvier 2022, séminaire en master à l’École du Louvre) et le développement, par les musées ou les associations de musées européens, de méthodologies appliquées aux collections issus de contextes coloniaux. Les trois volumes publiés par l'Association allemande des musées, à l’usage des professionnels des musées, sont parmi les plus riches et pertinents pour appréhender de telles recherches.

La recherche de provenances : un impératif dans les processus de restitution

En mai 2003, le musée de Nouvelle-Zélande Te Papa Tongarewa (Wellington) est officiellement mandaté par le gouvernement néo-zélandais pour prendre en charge les retours des ancêtres māori et moriori.11 Le Karanga Aotearoa Repatriation Programme est créé, et devient une unité interne au musée national. Entre le 1er juillet 2003 et le 1er mai 2017, le programme permet la restitution de 420 restes humains māori et moriori, conservés dans les collections à l’international (voir ici l'article qui avait été consacré à la restitution des têtes māori par la France). 

Cérémonie de restitution, Musée de Nouvelle-Zélande Te Papa Tongarewa, Wellington, 13 juillet 2018, US Embassy from New Zealand.

Le processus de restitution des restes humains māori et moriori, tel qu’entrepris par le Karanga Aotearoa Repatriation Programme dès sa création, ne vise pas le musée Te Papa comme destination finale. Le rôle du Te Papa se situe au niveau des négociations avec les institutions et gouvernements à l’international et dans l’organisation du processus de rapatriement. À leur arrivée, les restes humains sont entreposés temporairement dans un wāhi tapu, lieu de dépôt considéré comme sacré, interne au musée. Deux wāhi tapu sont aménagés par le Te Papa. Le premier se situe dans les murs du musée, et le second est aménagé à Tory street à Wellington, dans le bâtiment dédié à la recherche sur les collections . L’accès aux wāhi tapu est extrêmement limité, réservé à certains chercheurs, et dans le respect de conditions spécifiques concernant la manipulation des restes par exemple. Toutefois, les restes humains restitués ne sont pas intégrés aux collections du musée. Le Te Papa insiste bien sur le fait qu’il n’en revendique pas la propriété mais assure un rôle de kaitiaki (gardien) vis-à-vis d’eux.12

L’objectif du Karanga Aotearoa Repatriation Programme est de permettre la restitution des restes humains aux iwi, hapū ou whānau concernés, en vue de leur inhumation.13 Ces restitutions internes (domestic repatriation), ne sont effectuées que dans un second temps, après une étude approfondie des restes humains, menée au sein de la repatriation team dirigée depuis 2007 par Te Herekiekie Haerehuka Herewini (repatriation manager) et sous l’expertise d’un comité consultatif composé de spécialistes de la culture, des coutumes et de l’histoire māori. Depuis 2003, le Te Papa aurait retourné 52 restes ancestraux sur les 420 restitués depuis l’international.

Le Te Papa propose en accès libre sur leur site internet, un guide méthodologique en recherches de provenances, adapté et dédié à la recherche menée sur les restes humains māori et moriori. Le document est adressé aux musées qui entreprennent des recherches sur leurs collections. Une première rubrique – « Repatriation research : Where to start » – aborde la préparation et la création d’un protocole de recherche, la constitution d’une checklist, l’identification des questions principales de la recherche, la création d’une base de données propre à consigner toutes les informations et preuves enregistrées et la création d’un répertoire biographique des acteurs concernés (collecteurs, propriétaires successifs…). La deuxième rubrique – « Repatriation research : Where to look » –, détaille les sources qui doivent être exploitées pour mener à bien la recherche : archives, bases de données en ligne, musées, universités, bibliothèques, collections et collectionneurs privées, le réseau de chercheurs ainsi que les communautés d’origine. La troisième et dernière rubrique concerne la phase finale de la recherche, à savoir la relecture par les experts māori et les communautés d’origine – iwi, hapū ou whānau – selon le degré de précision de la provenance connue. Neuf rapports de recherches de provenances, rédigés entre 2008 et 2016, sont accessibles depuis le site internet du Te Papa. Chaque rapport décrit les restes humains ainsi que les éventuelles étiquettes ou inscriptions associées, et détaille l’histoire de leurs collectes et de leurs mouvements, aussi précisément que cela est possible. Y est adjointe une étude du territoire concerné, dans laquelle une attention particulière est donnée aux sites archéologiques funéraires et à l’identification de ou des iwi concerné(s). 

À ce jour, les restitutions définitives de biens intégrés dans les collections françaises, qui ont été effectués de la France hexagonale vers l’Océanie, ont concerné uniquement des restes humains : vingt toi moko (têtes momifiées māori) en 2012, et le crâne d’Ataï en 2014. Les processus de ces restitutions, décrits dans des articles précédents ici et ,  ont été jusqu’à lors des démarches localisées et singulières, portées en France hexagonale par un nombre restreint d’individus. La proposition de loi-cadre mentionnée en introduction propose notamment des critères de restituabilité pour les restes humains patrimonialisés. L'établissement de tels critères, qui restent à discuter, viserait à entourer les futures démarches de restitutions de conditions généralisées.  Il s'agira probablement d'une étape supplémentaire dans le processus d'intensification des recherches de provenances, qui restent à mener de manière détaillée pour un grand nombre d'objets océaniens.

Marion Bertin & Soizic Le Cornec

1 https://www.vie-publique.fr/rapport/38563-la-restitution-du-patrimoine-culturel-africain, dernière consultation le 30 novembre 2022. 

2 CORNU M., WAGENER N., 2022, « La propriété de ce qui est à tous : le débat sur la restitution des biens culturels », dans BORIES C., 2022, Les restitutions des collections muséales. Aspects politiques et juridiques, Mare & Martin.

3 MELANDRI, M., GUIOT, H., 2021. "Introduction. Pour un inventaire des collections océaniennes en France : regard rétrospectif en 2021". Journal de la Société des Océanistes (152), pp. 5-20. URL : https://journals.openedition.org/jso/13023 , dernière consultation le 30 novembre 2022.

4 LAROCHE, M.-C., 1945. "Pour un inventaire des collections océaniennes en France". Journal de la Société des Océanistes 1, pp. 51-57. URL : https://doi.org/10.3406/jso.1945.1485), dernière consultation le 30 novembre 2022. 

5 BOULAY, R., 2015. "Les collections extra-européennes en France : 25 ans après". La Lettre de l’ocim (158), pp. 31-34.

6 https://m.quaibranly.fr/fr/expositions-evenements/au-musee/expositions/details-de-levenement/e/carnets-kanak-38717, dernière consultation le 30 novembre 2022. 

7 https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Musees/Les-musees-en-France/Les-collections-des-musees-de-France/Decouvrir-les-collections/Annuaire-des-collections-publiques-francaises-d-objets-oceaniens , dernière consultation le 30 novembre 2022.

8 Op. cit., MELANDRI, M., GUIOT, H., 2021

9 Musée de Nouvelle-Calédonie, 2022. "Mise en ligne de l'Inventaire du Patrimoine Kanak Dispersé (IPKD)", Musée de Nouvelle-Calédonie, 23 novembre 2022. URL : https://museenouvellecaledonie.gouv.nc/actualites/thematique/le-musee/mise-en-ligne-de-linventaire-du-patrimoine-kanak-disperse-ipkd, dernière consultation le 30 novembre 2022.

10 https://monde-en-musee.inha.fr/ , dernière consultation le 30 novembre 2022. 

11 Les Moriori sont les habitants des îles Chatham d'Aotearoa Nouvelle-Zélande, situées à l’est des deux îles principales.

12 SIMON. J., 2021, « Le Musée national Te Papa Tongarewa de Wellington, ou la reconnaissance d’un système administratif biculturel », dans BLIN M., NDOUR S., Musées et restitutions : Place de la Concorde et lieux de la discorde, Rouen et Le Havre, PURH, p. 173–193.

13 La population māori se structure en iwi, les plus larges unités sociales coutumières, dont les membres sont apparentés à un seul et même ancêtre commun, pour lequel l’origine remonte au temps du peuplement et de l’arrivée des premiers habitants à la voile. Les iwi se subdivisent en hapū, eux-mêmes constituées de plusieurs whānau (« famille élargie » ).

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