Chronologie Roger Boulay

Roger Boulay lors de l'exposition Carnets kanak, Voyage en inventaire de Roger Boulay au musée du quai Branly-Jacques Chirac © DRK

Roger Boulay nous a quitté·e·s le 2 juillet. Lecteur assidu de CASOAR, il nous a accompagné·e·s dès nos débuts et partageait régulièrement avec nous des commentaires ainsi que ses dernières publications dont il nous envoyait un exemplaire. Nous avons souhaité rendre hommage à son travail, ses actions et ses nombreuses recherches pour mettre en évidence l’empreinte qu’il laisse dans les musées.

Cette chronologie annotée a été rédigée par Marion Bertin à l’aide d’une chronologie établie par Roger Boulay (et relue par Emmanuel Kasarhérou) en octobre 2023, enrichie d’informations récoltées dans les archives de Nouvelle-Calédonie, les archives du musée de Nouvelle-Calédonie, les archives de l’Agence de développement de la culture kanak, des entretiens conduits avec Roger Boulay en septembre 2018 et en décembre 2023, ainsi que la notice nécrologique rédigée par Christian Kaufmann pour la revue en ligne de la Pacific Arts Association. Que Christian Kaufmann soit remercié d’avoir accepté de partager son texte et d’avoir relu et commenté la présente chronologie.

Cette publication a vocation à évoluer et à être enrichie. N’hésitez pas à partager des éléments pouvant permettre de la compléter.

1943

Roger Boulay naît à Parigné le Polin, dans la Sarthe.

1965-1975

Il est formateur au Centre d’entraînement aux techniques d’expressions, située à Paris rue de Buci ; il devient le vice-président de cette association, reconnue d’utilité publique. Roger Boulay est également proche d’Animation Jeunesse, un réseau du scoutisme catholique français fondé par Georges Dobbelaere (né en 1930). Ce dernier, ainsi que le réseau qu’il anime, vont jouer un rôle important dans l’avenir de Roger Boulay. En parallèle, entre 1970 et 1976, il est formateur auprès de divers organismes à Marseille, Avignon et Toulon.

1966

Roger Boulay est à Dakar pour une mission de formation du personnel d’animation, au moment où se tient le Festival mondial des arts nègres. Cette mission est à l’initiative de Georges Dobbelaere, dans le cadre d’Animation Jeunesse. Comme Roger Boulay le rapporte : « J'étais envoyé par le même Dobbelaere au Festival des arts nègre à Dakar. En 66. […] Personne ne sait que j'étais forgeron et que j'étais à Dakar. Mais je crois que ma sensibilité aux objets vient du fait que j'ai travaillé la matière.»1

1967

Il obtient une Licence de sociologie, à la Faculté catholique libre d'Angers.

1979

Roger Boulay effectue son premier séjour en Nouvelle-Calédonie par hasard » : « parce qu’un ami m’a proposé de venir avec lui à Nouméa pour des recherches. Mais je ne savais même pas où ça se situait ! ». Cet ami est Philippe Missotte, qui propose à Roger Boulay de l’accompagner. Ce dernier est alors investi auprès de la Fédération des Œuvres laïques, liée à la Ligue de l’enseignement à Nouméa. Le départ de Roger Boulay en Nouvelle-Calédonie s’organise par Missotte et, à nouveau, par Dobbelaere : « C’est Missotte qui me trouve rue de Buci, chez Dobbelaere et qui me dit ‘viens’. C’est là que je faisais des stages d’apprentissage de la forge. Et donc Missotte me dit ‘Tu veux pas venir en Calédonie ? J’ai besoin d’un mec comme toi’. Peut-être était-ce parce qu’il savait que j’étais formé manuellement ? C’est un autre critère hein ! C’était pas du tout de l’anthropologie générale, je n’y connaissais rien du tout. Je m’y suis remis après, après avoir fait cette mission. »2 Animation Jeunesse a probablement joué à nouveau un rôle dans cette mission calédonienne.

Roger Boulay rencontre Jean-Marie Tjibaou en juillet : « C’était en 1979, juste après Mélanésia 2000… On avait alors pris conscience du manque de sculpteurs et de la perte du savoir. À la demande de Jean-Marie Tjibaou et de Jacques Iékawé, j’ai fait un tour de la Grande Terre pour aller voir les sculpteurs qu’on avait déjà recensés ou dont on entendait parler. J’ai mis un mois à faire le tour. En général, j’ai dû leur courir après. »3 Lors de cette tournée en Nouvelle-Calédonie, Roger Boulay mène un inventaire des sculpteurs tandis que l’anthropologue Jean-Michel Beaudet en fait de même pour la musique. Publication de Notes sur la sculpture canaque qui synthétise la mission effectuée par Roger Boulay sur la Grande Terre de Nouvelle-Calédonie.

En Nouvelle-Calédonie, se prépare alors le Festival Caledonia 2000, conçu comme le prolongement de Mélanésia 2000. Jean-Marie Tjibaou est président du comité d’organisation ; Philippe Missotte en est également membre. En amont de l’évènement, une série de mini-festivals est organisée autour de l’archipel. Plusieurs cases kanak sont réalisés au moment des mini-festivals : à Sarraméa, à Poindimié et à Hienghene notamment.

Jean-Marie Tjibaou est alors chef du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Ce dernier confie à Roger Boulay une mission d’inventaire des objets kanak conservés dans des musées hors de Nouvelle-Calédonie : « Il me demandait toujours trois choses, à chaque fois qu’on se rencontrait : où ils sont, comment ils sont conservés, ce qu’on dit sur nous. C’était une forme d’obsession, il a réussi à l’imposer jusqu’aux accords, il ne lâchait pas prise !»4 Cet inventaire s’accompagne d’une couverture photographique. Dans un document dactylographié intitulé L’inventaire et daté du 29 avril 1980, Roger Boulay indique que cet inventaire doit remplir deux fonctions complémentaires : « mettre à disposition du plus grand nombre, des artisans, des sculpteurs, des enseignants, un document rassemblant une somme importante de documents iconographiques. Permettre, par les informations reçues, de compléter l’information des Musées détenteurs de ces objets. »5 Parallèlement, des inventaires sont menés en Nouvelle-Calédonie pour documenter le patrimoine immatériel kanak (chants, danses, langues, techniques de fabrication…), grâce à un travail collectif.

1980

Roger Boulay obtient une Maîtrise spécialisée en Ethnologie, à l’École pratique des Hautes-Études dans le département des sciences de la religion, auprès de Jean Guiart.

Exemple de fiche rédigée par Roger Boulay au musée d’ethnographie de Neuchâtel (Suisse) au début des années 1980, archive conservée au musée de Nouvelle-Calédonie. © Photographie de Marion Bertin, 2018.

1980-1982

Roger Boulay débute la première série d’inventaires dans les musées, seul avec un appareil photo qui est d’abord un appareil en chambre que lui a prêté Philippe Missotte. Des lettres de recommandation de Victor Beyer (1920-2017), en tant qu’inspecteur général des musées classés et contrôlés, lui sont transmises pour appuyer sa visite dans les musées en vue de réaliser un « inventaire photographique d’objets mélanésiens conservés dans les musées classés et contrôlés de France », dans le cadre de la préparation du festival Calédonia 2000. Lors de ses premières missions, Roger Boulay est chargé par le Fonds d’Intervention Culturelle du ministère de la Culture, à la demande des représentants de la Communauté mélanésienne de Nouvelle-Calédonie. C’est la Fédération des Œuvres laïques de Nouméa qui lui alloue quelques moyens, car c’est alors le « seul organisme habilité à recevoir les maigres indemnités du Fonds d’intervention culturelle distribuées par le ministère de la Culture ».6 Parmi les premiers musées visités figurent le musée d’Angoulême, le musée d’Aquitaine de Bordeaux et, à l’étranger, le musé d’ethnologie de Bâle. Roger Boulay relate ces premières missions et son parcours de musée en musée : « Concernant le repérage des musées à visiter je pouvais m’appuyer sur quelques inventaires menés par la Société des Océanistes : celui de Marie-Charlotte Laroche, quelques indications de Jean Guiart… Peu de choses en vérité. Quelques collections étaient connues, au moins globalement, sinon inventoriées. Ainsi, à La Rochelle on me signale Rochefort-sur-Mer. À Angoulême, Monique Bussac et Etienne Féau étaient déjà très mobilisés autour de ce problème des inventaires. Parmi les grands musées d’ethnologie, Bâle s’impose parmi les premiers. Christian Kaufman me signale Genève, l’université de Zurich, Berne. En Allemagne : Hambourg, Berlin, Francfort… Mes séjours furent, faute de moyens, souvent rapides. Je n’avais jamais assez de temps car, à part quelques cas remarquables, les objets, peu exposés, étaient en réserves, difficile à atteindre et à manipuler. »7 Roger Boulay rencontre rapidement Christian Kaufmann, au musée d'ethnologie de Bâle. De cette période des premiers inventaires, Roger Boulay indique : « Tjibaou me laissait faire le boulot, il me donnait un peu de fric parfois mais c’est tout. J’étais tout seul vraiment, on n’avait pas les conditions de l’IPKD avec quatre personnes pour travailler. Ce qui m’a beaucoup aidé vraiment, c’est d’être recruté par le MAAO en 1982, d’avoir un boulot avec Guiart. Là, j’ai pu profiter des missions avec le MAAO et du budget de la Direction des musées de France pour faire des inventaires. Ça explique pourquoi on a repris des collections que j’avais déjà vues quand on a fait la mission IPKD, afin de pourvoir faire le boulot jusqu’au bout, quand je n’avais pas pu le faire seul. »8

 1982

Publication de l’ouvrage Les Objets kanak dans les musées européens. Première édition 1980-1982, qui intègre des objets vus et inventoriés par Roger Boulay ainsi que les photographies qu’il prend lors de ses visites. La préface est rédigée par Jacques Iékawé (1946-1992), haut-fonctionnaire kanak promouvant la culture et l’identité kanak, et le graphisme général est réalisé par Jean-Pierre Le Bars. L’ouvrage est édité par Pacific 2000 à Nouméa, et distribué gratuitement en Nouvelle-Calédonie. Il est mis au pilon au moment du changement de gouvernement en 1986 ; il en reste aujourd’hui de très rares exemplaires.

L’Office culturel, scientifique et technique canaque (OCSTC) est créé en 1982 à Nouméa ; Jean-Marie Tjibaou est alors vice-président du Conseil de Gouvernement de Nouvelle-Calédonie et Jacques Iékawé en est le secrétaire-général. Le directeur de l’OCSTC est Neko Hnpeune. Par la suite, l’OCSTC finance les frais de mission de Roger Boulay pour mener à bien l’inventaire. Les fiches établies sur bristol, les photographies et les négatifs sont envoyés progressivement ou déposés par Roger Boulay au siège de l’Office à Nouméa, où les documents sont ensuite conservés.9

Roger Boulay est recruté comme chargé de mission au Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie (MAAO) par Jean Guiart en tant que chargé des collections océaniennes à mi-temps ; il reprend le poste de Patrice Godin, avec qui il dit avoir « échangé de poste ».10 Une convention est établie entre le MAAO et l’OCSTC pour permettre à Roger Boulay de poursuivre le travail d’inventaire et de mener des missions régulières dans des musées.11 Il effectue ses missions sous la responsabilité directe de Victor Beyer et de Neko Hnpeune, directeur de l’OCSTC.12

1984

Assassinat des frères de Jean-Marie Tjibaou qui marque profondément Roger Boulay dans son travail : « J’y étais pour faire le relevé des cases de Hienghene en construction par un groupe avec les frères de Tjibaou, dont Louis. On a poursuivi la construction par la suite, mais le cœur n’y était plus ».

Dans le cadre du festival des Arts du Pacifique, programmé en novembre-décembre 1984 en Nouvelle-Calédonie, est organisée l’exposition Musée imaginaire des arts de l’Océanie. L’OCSTC se charge de l’organisation ; Jacques Iékawé était le président du comité organisateur. Victor Beyer, en tant qu’inspecteur général des musées classés et contrôlés, en assure le commissariat, avec l’assistance de Roger Boulay. À compter de février 1984, il obtient une mise à disposition de douze mois de la part de la DMF dans le cadre de ces préparatifs.13 À la même époque, l’une des missions de Roger Boulay est d’apporter son « concours scientifique et technique au conservateur du musée de Nouméa pour le réaménagement et la présentation des collections ».14

Le conservateur de l’époque est Patrice Godin qui assurera ce poste jusqu’en 1985. En raison de la crise politique calédonienne, l’exposition Musée imaginaire des arts de l’Océanie est annulée à Nouméa à la fin du mois de novembre. Denis Guillemard est chargé de convoyer les caisses d’objets par les musées prêteurs ; les objets arrivent à Nouméa en novembre mais repartent quelques jours plus tard dans un avion militaire, sans avoir été sortis de leurs caisses.

Publication du portfolio Sculpture kanak et du livret Architecture Kanak qui sont distribués dans les écoles et dans les tribus kanak. Le portfolio comporte des planches pouvant être affichées dont le graphisme est réalisé par Jean-Pierre Le Bars à partir des photographies de Roger Boulay dans les musées visités. 

1985

L’exposition Musée imaginaire des arts de l’Océanie se tient finalement au MAAO, après une reprise en main de l’organisation sous l’égide de la RMN. Roger Boulay joue un rôle important pour son organisation parisienne, en tant que responsable de la section Océanie au MNAAO. L’exposition est inaugurée par Jean-Marie Tjibaou, en tant que vice-président du Conseil de Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, et par Jack Lang, ministre de la Culture. Le lendemain, des élus du Rassemblement Pour la République menés par Jacques Pasqua protestent contre cette exposition et se rendent au MAAO.

À cette époque, Roger Boulay participe également au changement de l’exposition permanente des collections océaniennes au MAAO, pour donner davantage de place aux arts du Vanuatu, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et d’Australie.

Enfin, il rejoint l’École du Louvre en tant que chargé du cours annexe d’« Histoire des arts africains et océaniens », grâce aux recommandations de Jean Guiart, avec qui il a débuté une thèse en ethnologie portant sur l’architecture kanak.

1986

Changement de gouvernement en France : dissolution de l’OCSTC et pilonnage des ouvrages publiés sur l’inventaire. L’OSCTC est remplacé par l’Office culturel calédonien.

Roger Boulay soutient sa thèse sous le titre La grande case kanak : les rapports entre architecture et sculpture en Nouvelle-Calédonie, à l’Université Paris 1.

1988

Signature des Accord de Matignon-Oudinot entre les représentants de l’État français et des principaux partis politiques calédoniens : le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) représenté par Jacques Lafleur et le Front de Libération Nationale Kanak Socialistes (FLNKS) représenté par Jean-Marie Tjibaou. Le texte inclut la reconnaissance de l’identité et de la culture kanak.

1989

Décès de Jean-Marie Tjibaou. Création de Agence de Développement de la Culture Kanak (ADCK) : Octave Togna en devient le directeur général et Marie-Claude Tjibaou la présidente.

1990

Affiche de l’exposition De Jade et de nacre. Patrimoine artistique kanak, musée néo-calédonien, mars-mai 1990, créée par Jipé Le Bars. L'objet reproduit est une hache cérémonielle de la région de Oubatche, conservée au musée d’ethnologie de Bâle (ancienne collection Fritz Sarasin). © Musée du quai Branly-Jacques Chirac, Inv. : PP0214716.

L'exposition De jade et de nacre. Patrimoine artistique kanak se tient au musée territorial de Nouvelle-Calédonie, à Nouméa. Le projet est fondamentalement lié à la mission d’inventaire effectuée par Roger Boulay : « au fur et à mesure que les publications se faisaient, les gens avaient globalement l’idée qu’il faudrait qu’on fasse quelque chose. L’idée d’exposition s’est imposée. La justification administrative, c’était ma mission signée par la Direction des musées de France. Et qui dit musée, dit exposition. »15 La sélection d’objets s’appuie sur les inventaires déjà effectués : plusieurs collections conservées dans des musées hexagonaux et européens sont mises en lumière de manière inédite. L’exposition a lieu ensuite à Paris au MNAAO, avec le sous-titre « Art kanak ».

Vitrine retraçant l’histoire des premières publications et exposition consacrées au patrimoine kanak dispersé, notamment en Nouvelle-Calédonie, présentée lors de l’exposition Carnet kanak. Voyage en inventaire de Roger Boulay, musée du quai Branly-Jacques. © Photographie de Marion Bertin, 2022.

Roger Boulay dispense une charge de cours à l’École du Louvre en Histoire générale de l’art consacrée aux arts africains et océaniens ; il dispensera ce cours jusqu’en 1995.

1991 Premières réflexions et notes pour la réalisation d’un inventaire des collections océaniennes et africaines dans les musées en France, sous l’égide de l’Inspection générale des musées classés et contrôlés au ministère de la Culture, d’après l’initiative et avec l’appui du MNAAO (devenu un musée national et un grand département). Sylviane Jacquemin est embauchée par le MNAAO pour mener le travail sur les collections océaniennes, ce qui prolonge son travail de thèse de troisième cycle de l’École du Louvre portant sur l’histoire des collections océaniennes dans les musées et établissements parisiens entre le XVIIIe et le XXe siècles. Son travail de recherche sur l'histoire des collections, sur les parcours d’objets et sur les biographies de collecteur·rice·s et de collectionneur·se·s fait toujours date.

Deux recherches sont menées conjointement et complémentairement dans les musées français : d’une part, des inventaires et, d’autre part, une recherche historique sur l’histoire des collections, en vue de pouvoir reconstituer des ensembles historiquement cohérents autour d’un même voyageur ou d’une même conception scientifique. Ce travail a pour visée d’élaborer des programmes muséographiques.16 Un premier effort d’inventaire et de valorisation concerne les musées du Nord-pas-de-Calais. L’exposition Océanie, curieux, navigateurs et savants, organisée au muséum d'histoire naturelle de Lille en 1997, permet de présenter le travail effectué.

1993

Exposition sur la peinture contemporaine aborigène d’Australie, d’après les récentes acquisitions effectuées par Roger Boulay en Australie centrale, grâce au soutien financier de la RMN. En 1991, Roger Boulay se rend en Australie auprès de la communauté Yuendumu avec l’anthropologue Françoise Dussart.

À partir de cette année, Roger Boulay réside en Nouvelle-Calédonie afin de travailler à la préfiguration du centre culturel Tjibaou à Nouméa. En particulier, il participe aux réflexions concernant le programme muséographique, aux côtés d’Emmanuel Kasarhérou. Il est alors sous contrat conjoint de la DMF et de l’ADCK.

1994

Création de la base de données Bougainville au MNAAO, qui intègre des notices biographiques des collecteur·rice·s et de collectionneur·se·s d’objets océaniens, afin d’éclairer l’histoire des fonds conservés dans les musées en France. Sylviane Jacquemin ainsi que Roger Boulay participent activement à la recherche historique et biographique, en lien avec les missions d’inventaire. Ils administrent cette base de données, accessible depuis le MNAAO. Sa réalisation reçoit le soutien de l’ADCK, de la Mission recherche du ministère de la Culture et de l’Inspection générale des musées de France.

Au sein de l’École du Louvre, Roger Boulay inaugure la nouvelle chaire d’« Histoire des arts océaniens ».

1995

Saison de préfiguration du CCT organisée par Roger Boulay avec Emmanuel Kasarhérou. Exposition Portraits kanak-Paroles kanak au musée territorial de Nouvelle-Calédonie, d’après des photos prises par Fritz Sarasin et Jean Roux lors de leur séjour en Nouvelle-Calédonie en 1911-1912. L’exposition voyage l’année suivante à Paris et à Bâle, où sont conservées les importantes collections rassemblées par les deux naturalistes.

1996-1998

Exposition Vanuatu. Îles de cendre et de corail, d’abord au musée de Port-Vila (Vanuatu), sous le titre Spirit blong bubu i kam bak. Reprenant le modèle établi par De Jade et de nacre, l’exposition a d’abord lieu sur le territoire d’origine des objets Ni-Vanuatu, puis entame une tournée au musée territorial de Nouvelle-Calédonie à Nouméa, au MNAAO et, enfin, au musée d’ethnologie de Bâle. Roger Boulay participe activement à la tenue de cette exposition qui est un prolongement direct de l’initiative de l’exposition de Nouméa, aux côtés de Christian Kaufmann, de Kirk Huffman et de Joël Bonnemaison. Parmi les autres protagonistes importants de cette aventure figurent Irène Bizot, en tant que directrice de la RMN, et Bernard Gilman, en charge des projets internationaux au ministère de la Culture.

1998

Signature de l’accord de Nouméa le 5 mai, le lendemain de l’inauguration du centre culturel Tjibaou. Ce texte poursuit la dynamique lancée par les accords de Matignon-Oudinot et souligne l’importance de la culture et de l’identité kanak, définies comme fondamentales à la réflexion sur l’avenir de l’archipel. Le texte de l’accord comprend un paragraphe spécifiquement dédié aux « objets culturels » qui établit que « l’État favorisera le retour en Nouvelle-Calédonie d'objets culturels kanak qui se trouvent dans des musées ou des collections, en France métropolitaine ou dans d'autres pays ».

1999-2000

Dans le cadre de la préfiguration puis de l’activité du centre culturel Tjibaou, de la signature de l’accord de Nouméa et de la préparation d’un accord particulier sur la culture entre la France et la Nouvelle-Calédonie, des discussions s’engagent entre le haut-commissariat, le ministère de la Culture et l’ADCK pour la réalisation et le financement de l’inventaire du patrimoine kanak dispersé. 

2001

Exposition Kannibals et vahinés, au centre culturel Tjibaou à Nouméa, réalisée sous le commissariat de Roger Boulay : « Dans mon esprit, elle répond à l'une des questions que m’avait soumises Jean-Marie Tjibaou dès notre première rencontre : que dit-on des Kanak dans les musées ? ».17 Cette exposition met en lumière les images stéréotypées véhiculées autour des populations océaniennes, dont les populations kanak. L’exposition se tient ensuite au MNAAO et au musée des Beaux-Arts de Chartres.

2002

Signature de l’accord particulier entre la France et la Nouvelle-Calédonie sur le développement culturel de la Nouvelle-Calédonie. Un paragraphe est dédié à la conduite d’un inventaire des collections kanak conservées dans des musées dans le monde.

2003

Roger Boulay est affecté à la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) de Poitou-Charentes pour mener une mission concernant les collections océaniennes dans les musées en régions, en priorité dans le Poitou-Charente et dans le Sud-Ouest.18 Les trois objectifs fixés à cette mission sont l’expertise, la recherche et la valorisation des collections océaniennes. Son bureau est établi au musée d’Angoulême où il participe activement à la refonte du parcours muséographique des collections océaniennes.

2004

Roger Boulay participe au projet de salle kanak mis en place par le musée d’art et d’histoire de Rochefort-sur-Mer, dirigé par Claude Stéfani, en collaboration avec le centre culturel Tjibaou.

2007

L’Annuaire des collections océaniennes en France est mis en ligne sur la base Joconde, administrée par le ministère de la Culture. L’annuaire regroupe 113 musées et dénombre plus de 65 000 objets océaniens. Réalisé sous la direction de Roger Boulay, cet annuaire est un travail collectif auquel participent notamment Anne Lavondès, Laurick Zerbini, Marie Durand, les responsables de collections concernées, ainsi que Mathilde Huet et Jean-Michel Rouzou pour la mise en ligne sur la base Joconde du ministère de la Culture.

Affiche de l’exposition Kanak, l’art est une parole, musée du quai Branly-Jacques Chirac (octobre 2013-janvier 2014) © Musée du quai Branly-Jacques Chirac.

2011-2015

Mission officielle de l’Inventaire du Patrimoine kanak dispersé (IPKD) financée par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, en adéquation avec l’accord de Nouméa signé en 1998 et de l’accord particulier sur le développement culturel signé en 2002. À Paris, la Maison de Nouvelle-Calédonie joue un rôle de support financier et juridique. La mission compte trois membres permanents : Roger Boulay, Etienne Bertrand et Emmanuel Kasarhérou. Renée Binosi, secrétaire de la maison de la Nouvelle-Calédonie, est également engagée sur le projet. Plusieurs stagiaires calédoniens, dont Marianne Tissandier (conservatrice-restauratrice au musée de Nouvelle-Calédonie) et Jean-Romaric Néa (chef du service de la valorisation du patrimoine en Province Nord), participent à cet inventaire pour des durées plus courtes. Leurs interventions jouent un rôle de formation et de fédération de réseaux entre la Nouvelle-Calédonie et les musées qui conservent le patrimoine kanak dispersé.

2013-2014

Exposition Kanak, l’art est une parole, organisée sous le commissariat d’Emmanuel Kasarhérou et de Roger Boulay. L’exposition parachève le projet d’inventaire du patrimoine kanak dispersé et présente une large sélection d’objets kanak des collections mondiales. Elle se tient d’abord au musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris, puis au centre culturel Tjibaou à Nouméa.

2017-2018

Exposition Trajectoires Kanak. Histoires de voyages en Nouvelle-Calédonie au musée Anne de Beaujeu de Moulins. Cette exposition, placée sous le commissariat scientifique d’Emmanuel Kasarhérou, est une conséquente directe du travail d’inventaire et d’identification des objets kanak lors de la mission IPKD.

2021-2024

Exposition Carnets kanak, Voyage en inventaire de Roger Boulay, sous le commissariat de Roger Boulay avec le conseil scientifique d’Emmanuel Kasarhérou. Programmée pendant la pandémie de Covid-19, cette exposition est reportée plusieurs fois. Elle se tient d’abord au musée d’art et d’histoire de Rochefort-sur-Mer, puis au musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris et, enfin, au centre culturel Tjibaou à Nouméa. Cette exposition retrace l’histoire des actions d’inventaire de Roger Boulay et met à l’honneur son travail plastique : lors des missions effectuées dans les musées, Roger Boulay a en effet réalisé de nombreuses de planches aquarellées représentant des objets et leurs détails techniques. Ce travail visait à mieux comprendre et étudier les objets, notamment en établissant des corpus de recherche pour analyser l’évolution chronologique et les spécificités régionales de l’art kanak.

Planche aquarellée réalisée par Roger Boulay autour des flèches faîtières, reproduite dans le coffret Boulay, Roger, 2015. Art kanak : savoir-faire traditionnels : planches aquarellées, Paris, Éditions de l’Étrave.

Un jour, lors d’un entretien téléphonique et après que j’aie enchaîné mille et une questions, Roger résumait son travail de cette manière : « Tu sais, finalement, j’étais très concentré sur l’efficacité, j’aurais dû prendre des notes sur les conditions dans lesquelles j’ai travaillé, mais ce ne sont que des souvenirs. Je n’avais pas conscience de ce que j’étais en train de faire : je pensais que tout le monde faisait ça. Parce que le seul avec qui j’échangeais à ce sujet, c’était [Henri] Perrois, qui parlait de corpus. Il me disait ‘il te faut 200 pièces et à partir de là on pourra parler’. Mais en fait, il y avait peu de personnes intéressées par les corpus et les inventaires à part lui. »19 L’importance d’établir des corpus d’étude comme base d’étude est soulignée dans un texte rédigé par Roger Boulay et publié dans la Lettre de l’OCIM en 2021.20 Son immense travail réalisé pour une meilleure connaissance des collections kanak et océaniennes permettra incontestablement la poursuite de telles recherches par les générations à venir.

Marion Bertin, Christian Kaufmann et Roger Boulay regardant une monnaie, musée des Beaux-Arts de Chartres, décembre 2023 © Photographie de Garance Nyssen.

Marion Bertin

1 Roger Boulay : entretien en date du 12 décembre 2023, en présence de Christian Kaufmann.

2 Roger Boulay : entretien en date du 11 décembre 2023.

3 Roger Boulay : entretien en date du 10 septembre 2018.

4 Roger Boulay : entretien en date du 10 septembre 2018.

5 Fonds d’archives donnés par Roger Boulay au musée du quai Branly-Jacques Chirac, 58AP/1.

6 Boulay, Roger, « L’inventaire du patrimoine kanak dispersé », *La Lettre de l’OCIM*, 196, 2021, pp. 50-55.

7 Roger Boulay : entretien en date du 10 septembre 2018.

8 Roger Boulay : entretien téléphonique en date du 1er septembre 2023.

9 Ces documents sont aujourd’hui conservés au musée de Nouvelle-Calédonie et ont été déplacés à une date inconnue.

10 Roger Boulay : entretien en date du 10 septembre 2018.

11 Document conservé dans les archives de l’OCSTC à Nouméa.

12 Lettre dactylographiée adressée par Néko Hnpeune à Roger Boulay, en date du 3 février 1984, conservée au musée du quai Branly-Jacques Chirac, 58AP/1.

13 Document dactylographié intitulé « Projet d’ordre de mission », portant l’en-tête du ministère de la Culture (s.d.), conservé au musée du quai Branly-Jacques Chirac, 58AP/1.

14 Lettre dactylographiée adressée par Néko Hnpeune à Roger Boulay, en date du 3 février 1984, conservée au musée du quai Branly-Jacques Chirac, 58AP/1.

15 Roger Boulay : entretien en date du 11 décembre 2023.

16 Document dactylographique signé par Roger Boulay et Sylviane Jacquemin, intitulé « Inventaire des collections océaniennes en France », conservé au musée du quai Branly-Jacques Chirac, 58AP/3.

17 Commentaire laissé par Roger Boulay dans l’élaboration d’une chronologie autour de la Nouvelle-Calédonie, octobre 2023.

18 Document informatique intitulé « Mission Roger Boulay, rapport d’étape (Angoulême, août 2005) », conservé au musée du quai Branly-Jacques Chirac, 58AP/2.

19 Roger Boulay : entretien téléphonique en date du 1er septembre 2023.

20 Boulay, Roger, « L’inventaire du patrimoine kanak dispersé », La Lettre de l’OCIM,, 196, 2021, pp. 50-55.

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