0 Commentaire

Covid-19 : point sur la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée

*Switch language to english for english version of the article*

Alors qu’un nouveau confinement débute en France, beaucoup envient les Australiens et Néo-Zélandais qui peuvent depuis plusieurs semaines profiter des bars, restaurants et même boites de nuit. Cependant, la situation n’est pas partout la même dans le Pacifique. La situation est particulièrement préoccupante en Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG). Retour cette semaine sur les dernières actualités de la crise sanitaire. 

Si le premier cas de COVID-19 est annoncé le 20 mars 2020 par le Premier ministre, James Marape, les premières mesures, notamment la fermeture des frontières à toute personne non citoyenne ou non résidente, permettent de ralentir la propagation du virus.1 Le 7 avril, une femme de 40 ans de Nouvelle-Bretagne est hospitalisée et testée positive. Le mois suivant, quelques cas sont identifiés. Pour la plupart, ils sont liés aux mouvements entre West Papua et la PNG qu’il est difficile de contrôler malgré la fermeture des frontières annoncée.2 Alors que les cas détectés sont désormais guéris, les mesures prises restent en place. Le gouvernement craint notamment de nouveaux cas en provenance de West Papua où la situation ne s’arrange pas.3 Pendant l’été, un premier pic de contamination apparaît stagnant jusqu’à février 2021. À la fin du mois de février, le pays recense plus de 1300 cas, dont environ 450 nouveaux cas. À lui seul, le mois de février représente un tiers des cas depuis l’arrivée du virus dans le pays.4 Et les choses ne vont pas en s’améliorant puisqu’au mois dernier, le nombre de cas double. Les autorités introduisent de nouvelles réglementations. Il est désormais interdit de voyager entre provinces, de se rassembler à plus de dix personnes.5 Richard Mendani, représentant de Kerema au Parlement décède du COVID-19 le 19 mars.6 Depuis la mi-mars, le pays est en “isolation nationale” et Lae, dans la province de Morobe, a été confinée.7 La situation est décrite comme hors de contrôle par le Premier ministre, James Marape. Ce dernier est le premier vacciné le 30 mars suivi par une campagne de vaccinations se concentrant en priorité sur le personnel soignant, gravement touché par la pandémie. En effet, en mars, 150 soignants (sur un total de 250) du principal hôpital de Port Moresby sont testés positifs.8 Ces premières campagnes de vaccination ne semble cependant pas suffire à endiguer la dispersion du virus. Les hôpitaux du pays annoncent que 80% des tests effectués sont positifs.9

Statistiques du COVID-19 en PNG (pour le 4 avril 2021) publiées sur le site gouvernemental © https://covid19.info.gov.pg/

Si le nombre de plus de 7000 cas confirmés (au 5 avril 2021) semble faible par rapport à d’autres pays, il est important de rappeler plusieurs éléments. Les tests se concentrent principalement autour de la capitale. Avec les autres grandes villes du pays, elle est le foyer prospère pour le virus. Très peuplées, ces centres urbains et notamment leurs marchés rendent difficiles toutes tentatives de maîtriser la circulation du virus. 

Il ne faudrait cependant pas penser que le virus ne circule pas ailleurs et ce, malgré ce que les données statistiques peuvent nous laisser croire. Les provinces d’Oro et de Manus ne reportent aucun cas positif en mars. Ronny Knight, député de la province de Manus, montre que cela ne veut pas dire que le COVID-19 ne circule pas dans la région mais révèle plutôt les limites des campagnes de dépistage.10 Tout le monde ne se fait pas tester ; depuis le début de l’épidémie seulement 60 000 environ ont été réalisées. De plus, le manque de moyens pour faire les analyses oblige les différentes provinces à envoyer les tests à Port Moresby qui doit ensuite envoyer les résultats, souvent plusieurs jours plus tard. Et cela même pour l’hôpital de Popondetta, dans la province d’Oro, pourtant assez proche de la capitale. Le nombre total de cas (environ 7000) devrait être donc être bien supérieur, jusqu’à dix fois supérieur pour certains. 

Lady Veronica (épouse du défunt, assise à gauche), sa famille et des membres du gouvernement (James Marape, à droite) pour les funérailles de Sir Michael Somare, à Wewak, East Sepik, 15 mars 2021 © PNG PM Media via Radio New Zealand

Il est aussi important de comprendre que le pic épidémiologique a pris place dans un contexte tout à fait particulier pour le pays. De nombreuses cérémonies étaient organisées en la mémoire du tout premier Premier ministre et Grand Chef Sir Michael Somare notamment à Port Moresby et dans le Sepik, où son enterrement, le 15 mars, à Wewak a attiré des milliers de personnes.11 

Au-delà des manques de moyen, le pays fait face également à un important déni face à la maladie. Certains refusent de se faire tester même lorsqu’ils présentent des symptômes. De nombreuses théories notamment propagées par les réseaux sociaux comme Facebook ou via WhatsApp prétendent que les Mélanésiens seraient immunisés contre le COVID-19. Rebecca Kuku, journaliste pour The Pacific Project au Guardian, collecte plusieurs témoignages sur le fait que le virus “ne les affectera pas.”12 Le vaccin est perçu pour certains comme la marque du diable, le tout contrôlé par le gouvernement. L’épidémie ne serait qu’une supercherie du gouvernement. En réponse à ces doutes et théories du complot, les membres du gouvernement et notamment le Premier ministre, décident d’être vaccinés les premiers. 

Si les méfiances et théories de complot ne sont pas propres à la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la situation est d’autant plus problématique que le système de santé national est particulièrement fragile. Et c’est bien cela qui provoque frustration et énervement dans le personnel médical notamment. Glen Mola, chef du service obstétricien et gynécologique de l’hôpital de Port Moresby rapporte : “Les professionnels de santé risquent leur vie pour continuer à fournir leurs services, et de nombreuses personnes passent leur temps sur des écrans à nous accuser de pratiques contraires à l’éthique, de détournement criminel et corrompu des fonds publics et à avancer des théories de conspiration fausses, ridicules et sans fondement pour lesquelles il n’existe aucune preuve.”13

Les soignants et les hôpitaux sont les premiers impactés. Suite à des coupes budgétaires auxquelles s’ajoutent un trop grand nombre de cas et de nombreux soignants malades, des services et hôpitaux entiers sont fermés. Les urgences de l’hôpital de Boram, dans l’Est Sepik, sont fermées. Même constat pour certains services à Mount Hagen.14 Un hôpital d’urgence est mis en place dans un centre sportif à Port Moresby. Les autorités et le personnel de santé craint de devoir refuser des patients comme c’est le cas ailleurs. Le directeur de l’hôpital de Port Moresby craint la fermeture d’unités : “nous laisserons mourir les personnes victimes d’accidents de voiture, de blessures au couteau, de la tuberculose, de la typhoïde, etc., dans le parking ou ils seront renvoyés chez eux laissés à leur propre sort.”15 Difficile en effet de gérer une telle épidémie pour un système de santé qui ne compte que 500 médecins et 4 000 infirmiers pour tout le pays. Pour ce qui est des respirateurs, ils sont tous à Port Moresby et ne sont qu’au nombre de six.16 Comme l’alerte le Dr Paki Molumi, directeur de l’hôpital de Port Moresby, la place dans les morgues d’hôpitaux manque également.17 Pour le gouverneur d’Oro, Gary Juffa, la pandémie révèle aujourd’hui la triste réalité d’années de négligence et de corruption au sein du système de santé national.18

Dépistage contre le COVID-19 réalisé en « drive-in » à Port Moresby © Kalolaine Fainu pour The Guardian

Face à ce terrible constat, les aides internationales commencent à arriver. La Nouvelle-Zélande envoie de nombreux équipements médicaux ainsi qu’une aide de six millions de dollars néo-zélandais.19 L’Australie, quant à elle, a envoyé 800 000 vaccins et a commandé et payé pour un million de doses supplémentaires. Le Queensland lance également une campagne de vaccinations à travers le détroit de Torres et pourrait également vacciner la province occidentale de Papouasie-Nouvelle-Guinée.20 La Chine a également proposé, à plusieurs reprises, d’envoyer ses vaccins au pays. Cette offre reste pour l’instant en suspens puisque le vaccin chinois n’est pout l’instant pas homologué par l’Organisation mondiale de la santé.21 

Le sort de la Papouasie-Nouvelle-Guinée dépend principalement de l’envoi de ces vaccins qui deviennent le terrain de négociations géopolitiques entre l’Australie et la Chine. Comme l’explique le chercheur Alexandre Dayant, “la priorité [pour l’Australie] est d’éviter que le virus ne se répande sur son territoire, mais aussi dans le Pacifique, où l’Australie reste un partenaire privilégié. Si les pays de la région, qui jusqu’à présent ont réussi à contenir l’épidémie, étaient confrontés à une flambée des cas, cela pourrait avoir des conséquences sur l’équilibre des pouvoirs dans la zone en renforçant la position de la Chine qui pourrait utiliser les vaccins comme une arme diplomatique. »22

Enzo Hamel

Image à la une : Le Premier ministre, James Marape, parmi les premiers vaccinés au stade national de football de Port Moresby. © Kalolaine Fainu pour The Guardian

1 Papua New Guinea Today, 20 mars 2020
2 Radio New Zealand, 23 avril 2020
3 Papua New Guinea Today, 3 mai 2020
4 The National, 4 mars 2021
5 Papua New Guinea Post-Courrier, 19 mars 2021
6 Radio New Zealand, 22 mars 2021
7 Radio New Zealand, 9 mars 2021
8 Belinda Kora, ABC radio, 29 mars 2021
9 SBS News, 3 avril 2021
10 ABC news, 26 mars 2021
11 Ben Doherty, The Guardian, 18 mars 2021
12 Rebecca Kuku, The Guardian, 19 mars 2021
13 ABC News, 25 mars 2021
14 Rebecca Kuku, The Guardian, 5 mars 2021
15 Glen Mola, The Guardian, 16 mars 2021
16 Isabelle Dellerba, Le Monde, 20 mars 2021
17 Belinda Kora, ABC News, 30 mars 2021
18 Rebecca Kuku et Ben Doherty, The Guardian, 9 mars 2021
19 Radio New Zealand, 19 mars 2021
20 Ben Doherty, The Guardian 18 mars 2021
21 Isabelle Dellerba, Le Monde, 20 mars 2021
22 Isabelle Dellerba, Le Monde, 20 mars 2021

Bibliographie :

Écrire un commentaire


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.