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Louise Michel et les Kanak (1/2) – des communards en Nouvelle-Calédonie

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Le 28 juin 1871, interrogée par le conseil de guerre prétendant juger les anciens communards, Louise Michel exige :

« Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit aujourd’hui qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi ! »1

Un mois plus tôt elle a participé, aux côtés de ses camarades de lutte, aux combats de rue de La Semaine sanglante (du 21 au 28 mai), épisode final de la Commune de Paris au cours duquel l’insurrection est violemment écrasée par le pouvoir central établi à Versailles. La Commune de Paris (18 mars 1871 – 28 mai 1871) est une organisation politique insurrectionnelle refusant de reconnaître l’autorité du gouvernement français à majorité monarchiste (Gouvernement Jules Dufaure 1) élu au suffrage représentatif le 13 février 1871. Le soulèvement intervient à la suite de la guerre franco-prussienne de 1870, durant laquelle les parisiens subissent quatre mois de siège qui provoquent famine, forte mortalité et émeutes, et encouragent le gouvernement à signer l’armistice au prix de la reddition de Paris (le 28 janvier 1871). Dans un Paris républicain, les tenants de la démocratie directe et ceux qui refusent la reddition s’organisent autour d’un projet politique de type libertaire et social.2 Comme d’autre communes insurrectionnelles (Lyon, Marseille, Saint-Étienne…), la Commune de Paris est écrasée militairement par le gouvernement français, mettant fin à la guerre civile de 1871. Plusieurs milliers de Parisiens sont tués durant les combats de la Semaine sanglante, 40 000 arrêtés, et 13 000 communards sont jugés à la chaîne par les tribunaux militaires.3 Le 24 mai, pour faire libérer sa mère, Louise Michel se rend.4 Elle est détenue successivement au camp de Satory, à la prison des Chantiers à Versailles puis à la maison de correction de Versailles.

Portait de Louise Michel à la prison des chantiers à Versailles, Ernest Charles, 1871. © musée Carnavalet

Lors de son procès, elle revendique les crimes et délits dont on l’accuse, et réclame « le poteau de Satory »5, c’est-à-dire le peloton d’exécution par lequel sont passées des figures importantes de la rébellion et certains de ses plus proches amis. En décembre, elle est condamnée par le conseil de guerre à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée. Ce ne sera ni le plomb ni le poteau de Satory, ce sera la Nouvelle-Calédonie.

 Au bagne de Nouvelle-Calédonie

L’idée d’une terre de bagne ultramarine – qui présenterait le double avantage d’éloigner de la métropole les éléments de la société jugés néfastes et d’opérer un peuplement à marche forcée des territoires les moins attractifs de l’Empire colonial français6 – date d’avant l’annexion de l’archipel de Nouvelle-Calédonie à la France (en 1853). Dès 1850, Louis Napoléon Bonaparte, alors Président de la République, martelait devant l’Assemblée au sujet de la population carcérale des bagnes de Toulon, Brest et Rochefort :

« Six mille condamnés dans nos bagnes grèvent le budget d’une charge énorme, se dépravent de plus en plus et menacent incessamment la société. Il me semble possible de rendre la peine des travaux forcés plus efficace, plus moralisatrice, moins dispendieuse et plus humaine, en l’utilisant au progrès de la colonisation française ».7

La loi sur la déportation est adoptée en 1854, répondant à l’urgence de fermer les bagnes métropolitains. La Guyane, plus proche, est choisie la première comme « terre de grande punition »8, mais les conditions climatiques et sanitaires y sont telles que le taux de mortalité chez les détenus et les surveillants devient vite inacceptable. Parallèlement, la Nouvelle-Calédonie attire peu de colons, bien que les terres y semblent fertiles et le sous-sol riche en minerais.9 Très éloignée (quatre à six mois de voyage à travers les océans), elle effraye pour la résistance que les Kanak opposent au pouvoir colonial, et en raison des soupçons de cannibalisme que les premiers explorateurs européens ont fait peser sur eux. Dans un rapport de 1861 intitulé Essai sur la colonisation pénale à la Nouvelle-Calédonie, l’officier de marine Charles Guillain (futur premier gouverneur de Nouvelle-Calédonie) appuie l’idée déjà répandue selon laquelle, sans le recours à cette « transportation » forcée de condamnés, « [cette] possession océanienne serait sans utilité sérieuse ».10

Vue sur le bagne de l’île Nou, carte postale – © DR

Le bagne ouvre en 1864. Asseyant davantage l’implantation française en Nouvelle-Calédonie, la loi de 1854 oblige le bagnard condamné à plus de huit ans de travaux forcés à passer le restant de ses jours sur place. Les forçats condamnés à moins de huit ans participent aussi à la colonisation pénale une fois libres, puisque le texte de loi entérine le principe de « doublement » de la peine, c’est-à-dire l’obligation d’effectuer un séjour dans l’archipel égal à la durée des travaux forcés, en exploitant la terre au sein de ferme pénitentiaires.11

L’arrivée des communards

La peine de mort pour raison politique ayant été supprimée en 1848, les communards qui ne sont pas tombés lors de la Semaine sanglante et qui ont échappé à une exécution pour d’autres chefs d’accusation deviennent, pour 4500 d’entre eux, des bagnards. Les meneurs et meneuses, à l’instar de Louise Michel, sont condamnées à la déportation en enceinte fortifiée. Les participants jugés les moins rétifs, à la déportation simple. Leurs familles sont autorisées à les accompagner, toujours dans l’optique de renforcer la présence française en Nouvelle-Calédonie, et pour encourager les communards à ne jamais revenir à Paris. Leur éloignement de la métropole répond à une crainte du pouvoir en place : celle que les idées révolutionnaires portées par ces milliers d’insurgés se propagent.12

Qu’à cela ne tienne. Là-bas, à des milliers de kilomètres du pouvoir versaillais, ils vont témoigner de l’enfer du bagne, là où les prisonniers de droit commun n’avaient pas forcément les ressources ou le réseau nécessaires pour faire entendre leur voix. Les descriptions qu’ils livrent sont bien loin des vœux pieux des législateurs, prônant la réinsertion et le rachat des fautes par le travail de la terre. Mauvais traitements et humiliations sont légion (boulet, enchaînement deux à deux, chaussures en guise d’écuelle pour boire la soupe). Les quelques lettres qui échappent à la censure donnent le ton :

« La Nouvelle-Calédonie est un abattoir d’hommes, on l’a mis là-bas, aux antipodes, afin de ménager votre délicatesse, afin que vous ne flairiez pas l’odeur du crime et que vous n’entendiez pas les triques s’abattant sur les têtes des captifs ».13

Généralement plus qualifiés que le reste de la population du bagne, les communards sont pourtant mieux traités et, réquisitionnés pour des tâches spécifiques, échappent aux travaux les plus pénibles.

Kanak, Kabyles et Communards : l’impossible dialogue des insurgés

Dans les prisons métropolitaines où ils attendent leur déportation d’abord, puis en Nouvelle-Calédonie ensuite, les insurgés parisiens côtoient les insurgés kabyles de 1871, protagonistes d’un des plus grands soulèvements d’Algérie contre le pouvoir colonial qui réunit jusqu’à un tiers du territoire derrière la famille Mokrani et la confrérie des Rahmanyia.14

Concordance des dates, velléité d’autodétermination, similarité des peines (comme les communards, certains insurgés kabyles sont jugés comme criminels de droit commun et exécutés, les autres déportés… sans leurs familles cette fois) : certains commentateurs parisiens, tel Jean Allemane, ne tardent pas à s’identifier à leurs codétenus :

« J’appris que les arrivants étaient comme moi des vaincus, et qu’ils étaient traités de la même façon : les conseils de guerre algériens avaient rivalisé de zèle avec ceux de Versailles. […]La nuit approchait ; sombres et silencieux, les vaincus d’Algérie et les vaincus de la Commune assis côte à côte pensaient à ceux qu’ils aimaient, à l’effondrement de leur existence, à l’anéantissement de leur rêve de liberté  ».15

Certains deviennent adversaires au jeu de dames, d’autres, à l’image d’Eugène Mourot et d’Azziz ben Cheikh el-Haddad, amis d’une vie.16 Au contact des Kabyles, ces communards « viscéralement « patriotes » et pour qui le bien-fondé du projet colonial ne fait pas vraiment question »17 se font plus critiques de la politique coloniale de la France :

« Ce qu’ils me racontaient au sujet des exactions et des vols dont ils n’avaient cessé d’être victimes me bouleversait d’indignation et de honte pour notre pays ».18

Camps des Arabes, île des Pins, N.C, lithographie Hugan, 1876 – © Archives territoriales de Nouméa

Pourtant, cette remise en question de la colonisation ne semble pas, ou très marginalement, englober la question kanak. Communards et révoltés Kabyle iront même jusqu’à lutter au côté de l’administration française lorsqu’il s’agira d’écraser la grande révolte kanak de 1878.

À l’inverse des sentiments fraternels que les déportés parisiens développèrent pour leurs camarades algériens, c’est au mieux de l’indifférence, au pire du mépris, que leur inspirent leurs voisins kanak. Comme les autres Européens de leurs temps, les communards sont imprégnés des théories racistes des anthropologues et explorateurs qui faisaient des Kanak des « préhistoriques sans Histoire ».19 De plus, depuis l’annexion à la France, les Kanak multiplient les actes de résistance contre les colons, dont une majorité sont rappelons-le d’anciens bagnards. Parallèlement à cette résistance – qui vient perturber les projets d’expansion de la colonie – les privations, les maladies et la démoralisation progressive due aux spoliations foncières engendrent une mortalité telle chez les Kanak que de nombreux commentateurs de l’époque prédisent la disparition prochaine de leur culture et de ses derniers représentants.20 Certains idéologues français voient alors dans l’anéantissement à moyen terme de la population kanak l’aboutissement naturel du processus colonial. Parmi les déportés dont les contacts avec les Kanak restent extrêmement marginaux, peu trouvent à y redire.

Pour la plupart anticléricaux convaincus, les communards jugent par ailleurs très durement les convertis kanak, à l’image de Francis Jourde, qui dit des Kouniés de l’île des Pins :

« Une nombreuse population se groupe autour de l’établissement religieux dont elle est devenue l’aveugle et soumise esclave. »21

Surtout, à partir de 1876, avec l’arrivée à la Chambre des députés d’une majorité républicaine, l’espoir d’une amnistie générale des anciens insurgés est dans toutes les têtes. Après cinq ans de bagne, les anciens insurgés savent ce que coute de remettre en question la souveraineté de l’Etat français. Alors, lorsqu’en 1878 une grande sècheresse et le projet d’établissement d’un nouvel établissement pénal déclenchent l’embrasement d’un territoire déjà sous tension depuis la mise en place de réserves deux ans plus tôt, c’est tout naturellement que communards et Kabyles viennent grossir les rangs de leur ancien oppresseur pour mater la rébellion. Le meneur kabyle Bou Mezrag el-Mokrani propose ses services au gouverneur de Nouvelle-Calédonie et « avec une petite troupe d’Arabes [sic.] libérés, déportés ou condamnés, dont on lui donna le commandement, il servit d’éclaireur [aux soldats français] ».22 Le Communard Jean Allemane, qui quelques années plus tôt écrivait sa solidarité envers les insurgés kabyles, dépeint des révoltés kanak « cannibales » et « aux passions bestiales ».23 Un de ses camarades raconte :

« À la presqu’île Ducos, nous pensâmes qu’en présence de l’insurrection canaque [sic.] il était de notre devoir de ne pas nous endormir dans un lâche sommeil et de défendre le gouvernement français. L’un des nôtres Rousseau père écrivit au gouvernement une lettre dans laquelle il proposait de se mettre à la tête d’un certain nombre de camarades et d’aller combattre les sauvages. »24

Un autre encore, ironie du sort qui ne plaira pas à ses camarades, propose que les rebelles kanak soient… déportés dans quelques possessions françaises en manque de main-d’œuvre.25 De son côté, Louise Michel prend faites et causes pour l’Insurrection kanak. Elle est l’une des seules.

Dans ce revirement de l’Histoire qui fit des insurgés de 1871 le bras armé de la répression de 1878, il est difficile de déterminer quelle part relève de la conviction politique et quelle part du calcul personnel en vue de l’obtention d’une grâce. La vérité se trouve sans doute quelque part entre les deux. Des grâces individuelles commencent en effet à être accordées aux déportés politiques. L’amnistie générale des communards sera finalement votée en 1880, celle des Algériens, quinze ans plus tard. Dans l’intervalle, Louise Michel, de retour en métropole, publie en souvenir de ses années calédoniennes Légendes et chansons de gestes Canaques, sujet du prochain article de cette série.

Margot Duband

Image à la une : Nouméa. Arrivée de la Danaé. Les déportés au moment de leur débarquement. Le Monde Illustré, 1873, p. 88. In PISIER, G, 1971. « Les déportés de la Commune à l’île des Pins, Nouvelle-Calédonie, 1872-1880 ». Journal de la Société des océanistes. N°31, Tome 27, pp. 103-140.

Pour aller plus loin : voir la série « Le projet colonial en Nouvelle-Calédonie » de Médiapart. https://www.mediapart.fr/journal/dossier/france/le-projet-colonial-en-nouvelle-caledonie 

1 MICHEL, L., 2000 [1904]. Histoire de ma vie : seconde et troisième parties. Lyon, Presses universitaires de Lyon, p. 11.

2 Ouverture de la citoyenneté aux étrangers, interdiction des retenues sur salaires, instauration d’un traitement maximum pour les fonctionnaires, création d’un cahier des charge et d’un revenu minimum pour les marchés publics, prémices d’autogestion dans les entreprises, reconnaissance de l’union libre, ébauche d’égalité salariale entre les hommes et femmes, séparation de l’Église et de l’État dans les écoles et les hôpitaux…

3 DELAPORTE, L., 2018b. « Déportés en Nouvelle-Calédonie: l’improbable rencontre des communards et des insurgés algériens ». Médiapart, 19 août 2018.

4 MICHEL, L., 2000 [1904]. Histoire de ma vie : seconde et troisième parties. Lyon,  Presses universitaires de Lyon, p. 36.

5 MICHEL, L., 2000 [1904]. Histoire de ma vie : seconde et troisième parties. Lyon, Presses universitaires de Lyon, p. 11.

6 DUBAND, M., 2019. “1878 : deux regards sur l’Histoire ». In CASOAR https://casoar.org/2019/10/30/1878-deux-regards-sur-lhistoire/

7 BARBANÇON, L., 2003. L’Archipel des forçats : Histoire du bagne de Nouvelle-Calédonie (1863-1931). Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion.

8 DELAPORTE, L., 2018a. «  Quand la France choisit de « vomir ses criminels » en Nouvelle-Calédonie ». Médiapart, 15 août 2018. https://www.mediapart.fr/journal/france/150818/quand-la-france-choisit-de-vomir-ses-criminels-en-nouvelle-caledonie

9 DELAPORTE, L., 2018a. «  Quand la France choisit de « vomir ses criminels » en Nouvelle-Calédonie ». Médiapart, 15 août 2018.

10 DELAPORTE, L., 2018a. «  Quand la France choisit de « vomir ses criminels » en Nouvelle-Calédonie ». Médiapart, 15 août 2018.

11 DEBIEN-VANMAI, C., 10 août 2010. « Le rôle des bagnards dans la colonisation pénale en Nouvelle-Calédonie ». In HG/NC, le site académique d’histoire-géographie de Nouvelle-Calédonie, http://histoire-geo.ac-noumea.nc/spip.php?article164.
DUBAND, M., 2019. “1878 : deux regards sur l’Histoire ». In CASOAR https://casoar.org/2019/10/30/1878-deux-regards-sur-lhistoire/

12 DELAPORTE, L., 2018b. « Déportés en Nouvelle-Calédonie: l’improbable rencontre des communards et des insurgés algériens ». Médiapart, 19 août 2018.

13 Anonyme, cité dans DELAPORTE, L., 2018b. « Déportés en Nouvelle-Calédonie: l’improbable rencontre des communards et des insurgés algériens ». Médiapart, 19 août 2018.

14 DROZ, B., 2009, « Insurrection de 1871: la révolte de Mokrani ». In  L’Algérie et la France. Paris, Robert Laffont, pp. 474-475.

15 DELAPORTE, L., 2018b. « Déportés en Nouvelle-Calédonie: l’improbable rencontre des communards et des insurgés algériens ». Médiapart, 19 août 2018.

16 Grande figure de l’insurrection kabyle de 1871, Azziz ben Cheikh el-Haddad mourut à Paris en 1895, lors d’une visite à son ami communard. Une cotisation fut organisée pour faire rapatrier son corps en Algérie. DELAPORTE, L., 2018c. « Kanak et déportés: le rendez-vous manqué ». Médiapart, 21 août 2018.

17 DELAPORTE, L., 2018b. « Déportés en Nouvelle-Calédonie: l’improbable rencontre des communards et des insurgés algériens ». Médiapart, 19 août 2018.

18 Le journaliste, communard et futur anti-dreyfusard Henri Rochefort, cité dans DELAPORTE, L., 2018b. « Déportés en Nouvelle-Calédonie: l’improbable rencontre des communards et des insurgés algériens ». Médiapart, 19 août 2018.

19 DOTTE, E., 2017. « How Dare Our ‘Prehistoric’ Have a Prehistory of Their Own?! The interplay of historical and biographical contexts in early French archaeology of the Pacific », Journal of Pa­cific Archaeology 8 (1), p. 31.

20 DUBAND, M, 2016. La mission archéologique et ethnographique en Nouvelle-Calédonie de Ma­rius Archambault (1898-1920). Paris, mémoire d’étude de l’école du Louvre, p. 46.

21  DELAPORTE, L., 2018c. « Kanak et déportés: le rendez-vous manqué ». Médiapart, 21 août 2018.

22 DELAPORTE, L., 2018c. « Kanak et déportés: le rendez-vous manqué ». Médiapart, 21 août 2018.

23 DELAPORTE, L., 2018c. « Kanak et déportés: le rendez-vous manqué ». Médiapart, 21 août 2018.

24 MAYER, S., 1880. Souvenirs d’un déporté, étapes d’un forçat politique. Paris, E.Dentu Editeur, p. 407.

25 DELAPORTE, L., 2018c. « Kanak et déportés: le rendez-vous manqué ». Médiapart, 21 août 2018.

Bibliographie :

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